Vous travaillez depuis de longs mois sur de nouvelles offres en matière de restauration collective... Quelles étaient vos motivations pour impulser ce changement ?
Thierry Marchand : Depuis plusieurs années, Engie est engagé dans une démarche d’évolution de ses espaces de travail qui fait écho à l’évolution des modes d’organisation du travail. Le développement du flex office sur notre siège social de La Défense et le déploiement du télétravail depuis près d’un an nous avaient amenés à revoir nos espaces et les services qui leur sont associés. La restauration était particulièrement impactée par ces évolutions et la pandémie de la Covid-19 ne va faire que renforcer les transformations en cours. Avec de grands projets en cours de réalisation à La Garenne-Colombes et Lyon, nous voulions d’ores et déjà travailler sur de nouveaux concepts, les tester et être en mesure de les déployer sur ces futurs sites.
Quels ont été vos axes de réflexion ?
TM : Nous souhaitions à la fois améliorer les flux en ne subissant plus comme une fatalité les longues files d’attente aux heures de pointe et diversifier les formats proposés. Le développement de l’offre digitale était également un axe fort de réflexion. Pour mener ces travaux, nous nous sommes appuyés sur plusieurs partenaires. Nous avons notamment développé nos concepts avec le cabinet conseil Impact Restauration et la start-up Barclap pour ce qui est de la dimension digitale.
Georges Riccio : Comme l’a très justement indiqué Thierry Marchand, les évolutions des modes d’organisation du travail, qui vont être encore accélérées avec la crise sanitaire que nous traversons, ont un impact majeur sur la restauration d’entreprise. Celle-ci doit devenir plus agile, multicanale et évolutive dans le temps si elle veut répondre aux attentes émergentes des utilisateurs et des investisseurs. Dans ce contexte, en collaboration avec un bureau d'étude et une jeune start-up spécialisée en digitalisation, nous avons imaginé une nouvelle approche de la restauration d'entreprise que nous avons baptisée la « Restauration 4D ». Cette approche de « flex-restauration » permet de modéliser des concepts innovants qui intègrent l'offre culinaire, les aménagements et le service avec ou sans digitalisation.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les nouveaux concepts que vous développez ?
TM : Il était important pour nous d’aboutir à des concepts permettant de déployer des offres variées de restauration au sein d’espaces pouvant se transformer en espaces de vie et de travail tout au long de la journée. Nous innovons en termes de menus et proposons des offres multicanales pour apporter diversité et complémentarité ainsi que des parcours client, avec et sans digitalisation, permettant au convive de bénéficier de différents niveaux de service au sein du même espace, du libre-service au service à table avec la réservation d'une table. Les espaces se rapprochent ainsi des codes de la restauration commerciale dans un esprit « food hall ». Enfin, élément primordial pour nous qui devons déployer ces services et espaces dans des sites très divers tant dans le type d’occupation que d’espaces, le concept est déployable et évolutif dans le temps sans coûts structurels substantiels, adaptable quels que soient la typologie de résidents sur un immeuble, le prestataire de restauration et les concepts culinaires.
GR : L’innovation majeure du concept pour Engie, c’est de permettre de déployer jusqu’à 9 parcours client différents, à choisir en fonction de ses contraintes et du contexte ! Cela va du self classique au service à table assuré par un « runner » après que les convives ont réservé leur table en amont puis commandé leurs repas via une tablette tactile intégrée à la table. Autres possibilités offertes par les outils digitaux et permettant d’aller au-delà du « click & collect », les convives peuvent réserver un plat en ligne avant 13h pour s’assurer de sa disponibilité lorsqu’ils viendront déjeuner, ou une table communautaire avec un buffet à partager entre collègues ! Enfin, pour éviter l’attente au niveau des kiosques, des écrans tactiles permettent de commander sa grillade par exemple, à récupérer à un point de collecte ou à se faire servir à table. Evidemment, chaque site étant unique, un programme de digitalisation et d’aménagement doit être mené pour appréhender les faisabilités et incidences de chaque parcours.
Quelles sont les conséquences en termes de coût ?
TM : C’est vrai que l’introduction de nouveaux services de commandes et de parcours avec service à table peut alourdir le coût du plateau. C’est un calcul à faire dans l’économie globale du contrat à passer avec le partenaire de restauration. Il dépend, entre autres éléments, de la proportion de places dédiées au service à table, environ 10 % en ce qui nous concerne, le self classique représentant encore 40 % du taux de prise. D’un autre côté, nous avons constaté des économies sur le gaspillage alimentaire grâce aux pré-commandes.
Mise en place de nouveaux services, évolution du parcours client… Comment appréhender le changement d’habitudes pour les convives ?
GR : Une communication interne est indispensable à l'appropriation de ces concepts inédits de restauration par les convives. Pour accompagner les collaborateurs et mettre en visibilité les avantages offerts par ces évolutions et nouveaux outils, nous les avons déclinés en bandes dessinées dans le cadre d’une campagne d’information faite via des affiches et de petites vidéos pour démontrer la simplicité de l’outil digital.
La crise sanitaire va-t-elle vous obliger à revoir vos plans en matière de restauration ?
TM : Au contraire ! Nous avons pleinement tiré profit des réflexions engagées auparavant pour initier le déploiement de parcours client répondant aux règles de distanciation sociale et d’hygiène en restauration d’entreprise. Ainsi, depuis le 2 juin, les collaborateurs d’Engie réservent leur repas en ligne via leur PC ou smartphone et sélectionnent un créneau horaire pour venir déjeuner sur certains espaces : trois créneaux sont disponibles de 11h30 à 14h15, apportant ainsi l'assurance d'avoir une place assise en parfait respect des règles de distanciation. Sur un premier espace de restauration, le retrait des repas se fait aux kiosques en donnant simplement son numéro de commande, nos collaborateurs peuvent ensuite déjeuner sur place ou emporter leur repas. Sur un deuxième espace, il suffit de s’installer à une place disponible sans passer par la zone de distribution, puis de scanner le QR-Code de votre table pour indiquer votre présence et pour bénéficier d’un service à table comme au restaurant. Il n’est même plus nécessaire de débarrasser son plateau. Un vrai mini-bistrot ! L’intérêt évident de ce parcours est de limiter l'affluence dans la zone de distribution.
Dernière question : avez-vous des projets d’évolution de ce nouveau concept, des envies ?
GR : Nous avons des demandes pour relier le système de gestion des commandes et réservations au système d’encaissement. C’est encore compliqué mais nous y travaillons.
TM : Du fait du Covid, nous savons que le télétravail va se développer encore plus vite et que nous n’atteindrons plus les fréquentations d’avant, c’est pourquoi la restauration d’entreprise doit en profiter pour se réinventer et aller vers une nouvelle restauration tournée vers plus de produits locaux, des produits de saisons, anticiper la loi Egalim et bien sûr lutter contre la réduction du gaspillage. Sur cette dernière action, j’ai rejoint il y a un an l’association « la Défense des aliments » qui a pour objectif de lutter contre ce gaspillage alimentaire. L’association était composée de cinq membres au départ et sommes aujourd’hui plus de quinze adhérents regroupant vingt-cinq restaurants d’entreprise de la Défense. Nous travaillons dans un esprit collectif que nous soyons sociétés ou restaurateurs et nous avançons tous dans le même sens à savoir : être inventif et redonner de l’envie et du plaisir à nos collaborateurs/clients de déjeuner dans nos restaurants d’entreprise !