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Pour relancer la machine économique, le moment est venu pour les entreprises de se lancer dans une bataille écoresponsable sans retenue. Les DET sont en première ligne pour verdir les espaces de travail. Conseils, pistes de réflexions et témoignages pour opérer la transition.

Impossible d’être passé à côté ces dernières semaines : l’écologie est au centre des réflexions économiques. Depuis début mai, les appels de tout bord se multiplient pour que la période post-coronavirus soit « verte ». Côté citoyens, l'impatience monte et les initiatives pour se faire entendre abondent. Une consultation lancée par La Croix Rouge, le WWF et Make.org notamment, place la protection de l'environnement au cœur des préoccupations des Français. En trois semaines, selon le WWF, elle a vu passer 80 000 participants, 19 000 propositions et 750 000 votes. La biodiversité, la végétalisation des villes et le reboisement, la sensibilisation du grand public et la mise en place d'une fiscalité verte sont les sujets les plus abordés. Une mobilisation populaire qui va jusqu’à convoquer les pouvoirs publics « afin d'agir pour réinventer le monde d'après ». De son côté, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a assuré que l'économie française devait être « la première économie décarbonée d'Europe ». La crise du Covid-19 a d’ores et déjà eu un effet extrême sur les émissions mondiales de CO2. Entre le 1er janvier et le 30 avril 2020, les rejets carbonés ont ainsi diminué de 9 % par rapport à 2019. Selon la manière dont la relance économique se fera, les émissions devraient baisser d’environ 4 à 7 % sur l’année 2020, par rapport à 2019, soit la plus forte diminution annuelle enregistrée depuis la seconde guerre mondiale, d’après une étude publiée dans Nature Climate Change. La ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a pour sa part reconnu qu'« on ne devait pas reproduire les erreurs du passé », rappelant qu'en 2008, l'écologie avait été « la grande perdante » de la crise. En ce sens, elle s’est adressée fin mai par écrit à 90 dirigeants (Michelin, Renault, Thalès…), les enjoignant à s’engager pour des mesures concrètes en vue de cette fameuse relance verte. La démarche est loin d’être anodine : les entreprises, qui représentent 75 % du PIB français, sont essentielles pour opérer ce grand virage au vert. Lutte contre le plastique, consommation et approvisionnements plus responsables, énergies plus vertes, écomobilité… Les combats sont nombreux et les sociétés, attendues au tournant. Au cœur de cette transition écologique, les responsables de l’environnement de travail sont appelés à être force de proposition pour embarquer tout le monde, direction comme employés, dans une démarche plus verte pour la planète. DET, on s’y met !

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Sur le terrain, le combat s’organise

Face à la pression de la société et des obligations légales, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre des mesures pour l’environnement. Le sociologue spécialisé dans la transition écologique et énergétique du bâtiment Gaëtan Brisepierre confirme qu’aujourd’hui, « des rapports RSE avec de grands chiffres et des projets phares sont élaborés. Les entreprises sont engagées dans des transformations, ne serait-ce que par l’existence de la RSE. » Sans avoir à prendre de mesures drastiques en interne, des gestes écoresponsables sont d’ores et déjà à la portée de tous au bureau. Cyril Hergott, responsable RSE, environnement et mobilité chez Riposte Verte, rappelle par exemple qu’« un collaborateur génère en moyenne chaque année 125 kg de déchets dont 80 % sont recyclables. Mais tous ne sont pas recyclés. Les papiers, par exemple, ne le sont qu’à 25 %, détaille-t-il. Alors que c’est le plus facile à recycler. » Pour inverser la tendance, dans le groupe Pichet, c’est sur les modes d’impressions que la lutte a été menée. « Le but était de réduire massivement la volumétrie d’impression. Nous avons mis en place des badges et des identifications pour contrôler les actions. Les paramètres automatiques ont été mis par défaut sur du noir et blanc, du recto verso etc. C’est grâce à cela que nous avons réduit notre consommation », commente Raphaël Cartron, directeur de l’environnement de travail du groupe. À Paris, dans les locaux de BlaBlaCar, c’est le système de recyclage global qui a été revu et amélioré. « Nous travaillons avec Les joyeux recycleurs. Ils nous ont récemment envoyé un rapport annuel indiquant que nous avons recyclé 1 768 kg de déchets en 2019 », souligne Émilie Baliozian, corporate communication & employer brand officer chez BlaBlaCar. En plus des chiffres, la start-up spécialisée dans le recyclage indique la destination des déchets et en quoi ils sont transformés. Émilie Baliozian en est convaincue : « c’est très important d’avoir ces informations pour que nos salariés soient au courant de ce que deviennent leurs déchets. Le but n’est pas de simplement les jeter et de ne plus y penser. »

 

" Un collaborateur génère en moyenne chaque année 125 kg de déchets

dont 80 % sont recyclables. Mais tous ne sont pas recyclés.

Les papiers, par exemple, ne le sont qu’à 25 % "

Cyril Hergott, Riposte Verte

 

En finir avec le plastique

Si la guerre contre le plastique était déjà amorcée par certains, depuis le 1er janvier 2020, c’est désormais une obligation avec l’entrée en vigueur de la loi Egalim, qui interdit l’utilisation de certains produits en plastique à usage unique (couverts, assiettes jetables, gobelets, touillettes, pailles…). Un geste fort pour se débarrasser, enfin, de ces déchets encore trop récurrents en entreprise. Dès 2019, le groupe Carrefour a expérimenté pendant un mois sur le site de Massy (91) la suppression du plastique jetable. Certains collaborateurs ont ainsi testé le gobelet réutilisable et ont été sensibilisés au lavage de leur contenant. Une bourse aux mugs a été mise et dans les espaces de restauration de Massy et Évry, des remises de 0,05 € étaient appliquées si le salarié ramenait son contenant pour sa boisson chaude et 0,25 € pour son plat à emporter. De quoi inciter les équipes à adopter des réflexes zéro déchet. Chez BlaBlaCar, « pas de vaisselle ou gobelet en plastique non plus, nous optons pour des mugs et des produits recyclés », indique Muriel Havas, head of facilities. Des pratiques bien accueillies et respectées par les salariés français si l’on en croit les chiffres 2020 de l’étude « Quelle gestion des déchets au bureau » de Riposte Verte, puisque 70 % des personnes interrogées affirmaient utiliser de la véritable vaisselle. Ces initiatives ne sont pas anecdotiques et sont souvent des premiers pas vers un engagement fort pour devenir davantage responsable. Mais pour qu’une démarche soit réellement efficace, il faut qu’elle soit pérenne. « Pour gagner en légitimité auprès des salariés, la direction doit prouver que les efforts existent sur le long terme et pas seulement pendant la semaine du développement durable par exemple », insiste Cyril Hergott. L’idéal est alors de définir un plan d’action annuel (amélioration de la gouvernance et de la communication, meilleure gestion des déchets, mobilité, etc.) et de le rendre public avec des échéances et des indicateurs.

 

Un pas vers une mobilité plus douce

Dernière bataille en date, accélérée par la crise du Covid-19 : la mobilité. Adoptée fin décembre 2019, la loi d'orientation des mobilités (LOM) annonçait déjà une réforme en profondeur du cadre général des politiques de mobilités, en intégrant les enjeux environnementaux. Le gouvernement a par ailleurs annoncé fin mai une série de mesures pour relancer le secteur automobile qui viseront les particuliers mais aussi les entreprises afin de les inciter à verdir leur flotte de véhicules. Une mesure qui pourrait avoir un impact certain quand on sait qu’en France, en 2019, 75 % des Français utilisaient la voiture pour se rendre chaque jour au travail, selon une étude de SD Worx. Le cabinet de conseil spécialisé dans l’adaptation au changement climatique Carbone4 a d’ailleurs calculé l’empreinte carbone de tels déplacements : les trajets domicile-travail représenteraient 15 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre liées aux transports en France (hors aérien et maritime international). Pour réduire ce bilan carbone, le groupe Pichet envisage d’ailleurs de proposer une alternative aux collaborateurs qui en ont un usage limité, voire ceux qui n’ont pas le permis. Raphaël Cartron souhaite « que l’avantage en nature représenté par la possession d’une voiture pour chaque collaborateur soit transformé en un crédit mobilité géré de manière individuelle par les collaborateurs. »

Côté deux roues aussi, des annonces ont été faites pour soutenir la pratique du vélo en vue du déconfinement et éviter un report des transports en commun sur la voiture. Un plan des pouvoirs publics de 20 millions d’euros prévoit notamment pour les entreprises une accélération de la mise en place du forfait mobilités durables qui permet aux employeurs de prendre en charge, jusqu’à 400 euros, les frais de déplacement de leurs salariés sur le trajet domicile-travail effectué à vélo. Anticipant cet engouement pour le vélo, BlaBlaCar a pris une décision radicale : pas de parking pour les voitures dans les futurs locaux. « Pour les vélos, oui, bien sûr, affirme Muriel Havas. Mais nous avons préféré utiliser l’espace qui aurait été dédié aux voitures pour en faire une salle de sport et un auditorium. Cela reflète notre volonté de limiter au maximum les émissions carbones. »

 

Sur le terrain, de nombreux freins

Si les entreprises font preuve de bonne volonté, il n’est pas toujours facile de mettre ces écogestes en pratique. Certes, il y a de plus en plus de réglementations (voir encadré page XX) qui sont une aide dont se saisissent les DET pour la mise en place de politiques d’achats responsables. Mais la réglementation peut se révéler aussi bien facilitante que contraignante. Le fait d’interdire le plastique à usage unique dans les bureaux nécessite par exemple d’autres outils et ustensiles, qui « sont plus chers que du plastique jetable », rappelle Muriel Havas. Cette dernière déplore qu’il faille encore se battre pour opérer la transition : « la démarche écologique et le respect de l’environnement sont vertueux, mais assez compliqués à mettre en place au niveau financier. Quoi qu’on en dise aujourd’hui, ce qui est écologique coûte beaucoup plus cher que ce qui n’est pas. » Ce qui sous-entend une volonté forte de la part de la direction et des fondateurs pour adhérer à ces nouvelles pratiques. Et d’apprendre à consommer moins mais mieux et de faire des choix judicieux pour l’avenir et pas forcément (et uniquement) sur le court terme.

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Une prise de conscience collective

Si l’impulsion doit venir de la direction, une prise de conscience collective et globale semble toutefois indispensable. « Dans les environnements de travail tertiaires, on a encore assez peu conscience de l’impact écologique des bureaux. Quand on interroge les collaborateurs, ils savent que leurs gestes ne sont pas anodins mais ils sont loin d’avoir conscience de l’ampleur des dégâts », affirme Cyril Hergott de Riposte Verte. Raphaël Cartron se souvient par exemple qu’en 2019, l’entreprise a annoncé avoir imprimé plus de 10 millions de pages. « Quand on l’a communiqué auprès des salariés, cela a fait bondir tout le monde. » Dernière chaîne du maillon, les collaborateurs sont pourtant la clé. Car sans leur engagement, les entreprises peinent à développer leur engagement écoresponsable. La communication est primordiale en interne, pas uniquement sur l’action mais aussi sur le pourquoi, le contexte. Pour Matthieu de Chanaleilles, président de Tri-o Greenwishes, une société qui gère, recycle et trace les déchets des entreprises, c’est un pilier fondamental pour la réussite de la démarche. « Tout ce que les clients DET veulent mettre en place fonctionne à condition de sensibiliser les collaborateurs. Ce sont eux qui vont avoir de meilleurs gestes de tri au quotidien si le message passe correctement », affirme-t-il. Cela passe par de l’échange, du reporting, des bilans qui doivent être faits pour donner du concret et permettre l’implication. Et, bonne nouvelle, les derniers chiffres de Riposte Verte publiés sur le sujet sont encourageants : 92 % des salariés français se disent prêts à faire évoluer leurs pratiques pour trier plus. Il arrive même parfois que les initiatives viennent des salariés eux-mêmes. « Certains d’entre eux poussent les transformations en interne. Ils recyclent tout chez eux et se demandent pourquoi ils ne le feraient pas au bureau », poursuit le président de Tri-o Greenwishes. Comme chez BlaBlaCar, qui reçoit au moins une fois par semaine des suggestions de collègues sur tel ou tel produit, sur des actions à mener pour diminuer l’usage du plastique ou sur comment avoir un environnement plus écologique.

 

Une bataille à mener sur le long terme

Appelées à se mobiliser sans ambages, les entreprises sont attendues au tournant par les pouvoirs publics et les citoyens mais aussi et surtout, par leurs propres salariés. Les talents de demain n’hésitant plus à s’engager en signant des pétitions où ils affirment vouloir privilégier les employeurs en accord avec leurs revendications, quitte à boycotter les grands noms. L’étau se resserre autour d’elles. Dans sa lettre envoyée à 90 entreprises, Élisabeth Borne incite vivement à transformer leurs pratiques et à viser, comme pour la France, la neutralité carbone d’ici 2050. Charge à eux de « définir et rendre publique, sous un an, leur stratégie pour y parvenir ». Le combat ne fait que commencer et il va devoir être mené sur le long terme, au risque de voir réapparaître des pratiques que l’on croyait pourtant derrière nous. Il suffit de voir comment le plastique jetable à usage unique a fait son retour (masque, gants, bouteilles en plastique…) dans les bureaux. Un paradoxe à l’heure où l’on parle de relance verte. Pour leur permettre d’aller plus loin et impulser une véritable démarche écologique dans leurs entreprises, les DET interrogés disent en attendent plus des réglementations et en appellent à plus de soutien et d’aides de l’État. Avec, pourquoi pas, des sanctions à la clé pour ceux qui ne joueraient pas le jeu. Entreprises, tenez-vous prêtes !

 

 

 

 

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Les Alchimistes transforment les déchets alimentaires des RIE en composte naturel en circuit court. L’objectif : enrichir les sols et participer à végétaliser la ville.

 

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Cultures et compagnies valorise le foncier inoccupé des entreprises en surfaces maraîchères. La production de légumes bio est notamment vendue en direct aux usagers.

 

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Bluedigo est une plateforme e-commerce de meubles d’occasion et fournitures de bureau écoresponsables. Son but : donner un impact positif aux achats des entreprises.

 

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1 km à pied se présente comme un accélérateur de (dé)mobilité durable. La plateforme calcule les trajets des salariés et établit le plan de mobilité pour réduire la pénibilité, les coûts et l’impact carbone.

 

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Bee cycle est une solution de location longue durée de vélos à assistance électriques pour les entreprises qui souhaitent proposer aux salariés une mobilité urbaine durable.

 

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Sitowie est un outil numérique de maintenance prédictive des bâtiments destinée aux entreprises, aux foncières et aux collectivités locales afin d'optimiser le cycle de vie de la construction et de ses matériaux.

 

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Good Daily accompagne les entreprises dans la transition écologique en supprimant les déchets et les plastiques des bureaux. Les capsules, cafés, fruits et accessoires proposés sont respectueux de l’environnement.

 

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I-lunch propose trois services : une cantine digitale, des plateaux-repas zéro déchet (dans des bocaux en verre récupéré par un coursier) ainsi qu’un frigo connecté Nu ! qui bannit les emballages à usage unique.

 

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We Now intègre dans sa solution connectée clé en main les trois axes d’actions en faveur du climat : mesurer, réduire, compenser les émissions de CO2.

 

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Clean cup a lancé une « fontaine à eau » zéro déchet avec distribution, collecte et nettoyage de gobelets intégrés. L’enjeu : supprimer les gobelets en plastique à usage unique.