Avons-nous toujours besoin de bureaux ? C’est la grande question du moment. Pour tenter d’y répondre, Gecina a demandé au cabinet d’études et de conseil Elabe de réaliser une enquête auprès de 24 dirigeants de grands groupes industriels et des entreprises de services entre le 6 octobre 2020 et le 20 janvier 2021.
Des phénomènes sociétaux à l’origine des bouleversements
Interrogés sur les mutations déjà à l’œuvre dans le monde du travail, les interrogés identifient deux phénomènes sociétaux majeurs qui bouleversent fortement le fonctionnement de leur entreprise.
Le premier réside dans l’évolution du sens et de la fonction accordés au travail. « Le travail n’est plus seulement un moyen de subsistance, mais un vecteur d’épanouissement, de quête de sens et de reliance sociale », détaille l’étude. La fin des carrières linéaires, la multiplication des expériences, le recours aux mobilités, aux formations et aux reconversions en sont des illustrations, qui dépassent à présent le seul cercle des « millennials ».
Le second phénomène concerne l’accentuation de « l’horizontalisation de la société » et « la délégitimation des figures d’autorité ». Les salariés aspirent à plus d’autonomie et de responsabilité au sein de l’entreprise, quitte à bousculer la hiérarchie. Cette volonté de participer aux prises de décision a des implications managériales importantes : c’est la fin du système pyramidal traditionnel et la consécration des « soft skills ».
Ce mouvement d’horizontalisation s’est accéléré sous l’effet de la transformation numérique et de l’essor des nouvelles technologies qui ont conduit à une évolution des métiers, à l’émergence de nouvelles manières de travailler et à une porosité croissante entre vie professionnelle et vie personnelle.
L'importance du contact humain
Sous la contrainte sanitaire, le télétravail s’est imposé. Si la plupart des entreprises dressent un bilan positif de la pratique du home office, « aucun dirigeant interrogé ne croit en la capacité de leurs organisations à adopter un modèle qui ferait du télétravail la nouvelle norme », affirme l’étude.
« L’espace physique de travail est revalorisé : il est le lieu de la rencontre, de l’échange spontané et de l’informel à la source de l’idée, du lien qui entretient la relation à l’entreprise et l’engagement. »
La crise sanitaire a bien sûr accéléré les tendances mais elle a aussi mis en lumière des notions fondamentales au sein des entreprises. En effet, « le caractère essentiel du contact humain dans l’entreprise est la révélation majeure de la crise. » Il permet de collaborer, de nourrir la culture d’entreprise et d’assurer la pérennité de l’entreprise. L’espace physique de travail est, lui aussi, revalorisé : il est le lieu de la rencontre, de l’échange spontané et de l’informel à la source de l’idée, du lien qui entretient la relation à l’entreprise et l’engagement.
Immobilier de bureau : place à l'espace d’expérience évolutif
Pour les dirigeants interrogés, l’immobilier de bureau de demain devra répondre à trois fonctions :
- Un lieu d’usage et de partage, dédié au travail en équipe. Cette vision induit la création de bureaux proposant des solutions matérielles et technologiques adaptées aux nouvelles manières de travailler, avec une plus grande place laissée aux espaces de convivialité.
- Un lieu symbole, d’expérience, une vitrine qui incarne les valeurs et le savoir-faire de l’entreprise.
- Un lieu de séduction, au service de la marque employeur pour attirer les salariés. Pour certains, il fait même partie de la « proposition de valeur » faite aux futures recrues. Pour se démarquer de la concurrence, l’entreprise doit être en mesure de proposer du confort, des services, des espaces de qualité et durables, en plein cœur des métropoles.
L’entreprise comme nouvel espace public
Autre point soulevé par l’enquête : le rôle des entreprises. Les attentes de la société deviennent de plus en plus fortes à leur égard. Elles sont considérées comme des acteurs majeurs pour améliorer le monde et se voient désormais attribuer une feuille de route élargie en matière d’ouverture, d’inclusion et de RSE.
« Le bureau, longtemps considéré comme un « bunker » permettant d’encadrer le travail des salariés, est devenu un lieu où les murs tombent, avec des espaces ouverts, dans une logique de rationalisation des coûts d’abord, de transparence et de communication ensuite. Cette démonstration d’ouverture s’est traduite dans la manière d’aménager l’espace et dans le choix des matériaux, notamment l’utilisation de surfaces vitrées en est le signe », décrit l’étude menée par le cabinet Elabe
Cette « dé-bunkerisation », présentée comme un impératif de survie pour les acteurs économiques, marque la fin de l’immobilier de bureau traditionnel et la naissance d’un nouveau secteur à inventer : l’entreprise comme nouvel espace public.