picture Le 15 novembre dernier, donneurs d’ordres et Fmers se sont réunis dans les locaux d’HEC à Paris pour débattre ensemble de l’avenir du facility management.

Le 15 novembre dernier, le magazine Workplace invitait donneurs d’ordres et Fmers à débattre de l’avenir du facility management. Au cœur des discussions : la transformation BtoBtoC du secteur qui cherche à remettre la question de l’usage et de la relation de service au cœur de sa stratégie.

« Pourquoi et comment le facility management doit-il s’adresser au bénéficiaire final ? ». C’est la question posée le 15 novembre dernier à la centaine de professionnels et d’experts venus débattre à l’invitation de Workplace Magazine dans les locaux d’HEC Paris. Organisé à l’occasion de la sortie d’un numéro hors-série consacré au FM, l’événement a réuni Fmers, donneurs d’ordres mais aussi chercheurs autour de trois tables rondes. Premier constat : le regain d’intérêt du FM pour le bénéficiaire final semble être bien plus qu’un nouveau gadget marketing. Sur ce point, les différents intervenants sont unanimes : le passage d’une démarche strictement BtoB à une approche BtoBtoC du marché relève d’un véritable enjeu de modèle. Après avoir appliqué, pendant plus de quarante ans, les logiques industrielles au champ des services, le secteur est arrivé au bout de ses gains de productivité. Faute de valeur reconnue, ces économies ne sont plus envisagées qu’en termes de réduction de dépenses. « Historiquement, la première valeur associée au FM était celle de gains économiques et le secteur a longtemps vécu sur cette promesse. Aujourd’hui, il est clair que la recherche du prix ne suffit plus », reconnaît Jean-Luc Delseray (Engie Cofely). Contraint à se renouveler, le FM doit s’adapter aux mutations d’une économie en cours de servicialisation. C’est à la fois son enjeu et sa chance. Des transformations qui touchent déjà de plein fouet de nombreux secteurs d’activité. Nathalie Damery, présidente de l’Observatoire de la société de consommation (Obsoco) est revenue sur les bouleversements que traverse actuellement le monde de la distribution. « Le commerce redécouvre le client. Nous basculons d’un modèle qui répondait aux besoins d’approvisionnement du marché, à un modèle où l’enjeu est d’apporter des solutions à des individus. » Parallèlement au développement de l’ecommerce, la consommation se démassifie avec des demandes de plus en plus individualisées sous-tendues par des questions de valeurs, de sens, la recherche d’un certain hédonisme mais aussi de sécurité et de responsabilisation à l’égard de l’environnement et de soi. « Le consommateur devient créateur de valeur. Nous passons de la valeur d’échange à la valeur d’usage, d’une économie du produit à une économie des effets utiles. La relation marchande n’est plus une simple transaction mais bien une relation de co-construction », résume la chercheuse.

 

Vers un nouveau modèle d’affaires

Si la comparaison avec le commerce a évidemment ses limites, elle a le mérite d’éclairer le sens du virage que semble amorcer le facility management. « Avec cette réflexion, on commence à dépasser la compréhension de la valeur comme un gain de productivité fondée sur la seule réduction des dépenses. Quand on parle d’effet utile du FM, on parle bien d’un effet favorable sur l’état du bénéficiaire final », affirme Xavier Baron, sociologue et coordinateur du CRDIA. Côté Fmers, on est conscients du chemin qu’il reste à parcourir. « Il est vrai que dans cette convergence BtoBtoC, pour le moment, on s’est principalement intéressé à la question du deuxième B. Le challenge est désormais de passer au C. », reconnaît Stéphane Hulin (Samsic Facility). Pour aller plus loin, il faudra commencer par imaginer une nouvelle façon d’identifier les besoins. « Avec les acteurs de la propreté, nous sommes en train d’expérimenter un diagnostic en trois dimensions, explique Patrice Vuidel, consultant associé au Laboratoire de recherche et d’intervention Atemis. Cette approche consiste à s’intéresser au bâtiment, aux enjeux du client et enfin aux personnes qui fréquentent les locaux en cherchant à comprendre en quoi la propreté soutient leur travail ou comment elle contribue à leur expérience en tant qu’utilisateur, consommateur ou encore visiteur ». L’objectif est aussi d’amener le donneur d’ordres à se charger de ses questions au lieu de s’en décharger sur le prestataire. Car un service est toujours le résultat d’une coproduction entre le bénéficiaire et le prestataire. Est-ce que l’on continuera demain à demander à une entreprise de propreté de nettoyer ? Ou est-ce qu’il s’agira plutôt pour elle d’accompagner des usages qui limitent les dégradations et les salissures ?

 

 

Nouveaux leviers de productivité

Mettre en place une telle relation de service implique également d’activer de nouveaux leviers de productivité. « Cela commence par l’intégration de différentes fonctions, explique Patrice Vuidel. On sait par exemple qu’un agent de propreté peut porter son attention sur des questions de maintenance. Ce sont également des économies d’adoption : à force de se connaître, on développe une connaissance mutuelle qui fait gagner de l’argent. Et puis, c’est la question de la coopération, c’est-à-dire la façon dont je comprends les enjeux de chacun ». Parler d’un changement de paradigme n’est pas exagéré. Et l’ampleur des freins à lever est à la hauteur des transformations à venir. « Lorsque je sécurise un site, on comprend aisément que j’ai un effet favorable sur l’occupant. La difficulté aujourd’hui est de lui donner une valeur et de pouvoir la mesurer », constate Stéphane Hulin. Repérer, évaluer mais aussi faire reconnaître cette valeur par les clients est l’un des premiers enjeux soulevés par les intervenants. La question des cahiers des charges, des contrats ainsi que l’absence d’un référentiel métier pour le FM ont également été évoquées au chapitre des obstacles à surmonter. « Les récentes initiatives d’Amazon dans le BtoB nous rappellent que le marché ne nous attendra pas. Un lexique commun est absolument indispensable. Mais l’innovation se construit par l’expérimentation et non d’abord par un référentiel. Il faut se désinhiber sur certains sujets ! », a souligné Joël Larousse, secrétaire général adjoint de l’Arseg.

 

L’œuvrant, pivot de la transformation

Autre grand sujet auquel le secteur devra s’attaquer : le rôle et la place de l’œuvrant qui deviennent centrales dès lors qu’il s’agit de construire la solution au contact des bénéficiaires. Dans la relation client, on lui demandera de mobiliser son intelligence, sa subjectivité et ses qualités relationnelles. « On quitte les logiques de conformité pour aller vers des logiques de pertinence située. La conséquence est que l’œuvrant sera en situation d’opérer des arbitrages entre le prescrit et le réel », explique Patrice Vuidel. Et le consultant prévient : « il faudra les accompagner dans cette montée en compétences en mettant en place des dispositifs de reconnaissance et d’échange qui permettront de construire une compréhension commune de la manière dont on peut agir et créer de la valeur ».