« Comment changer la donne ? Comment entrer dans une spirale vertueuse ? » C'est ainsi que Philippe Jouanny, président de la FEP, a introduit la Conférence de Progrès qui s'est déroulée le 8 septembre au Laho Business Center (Paris 12e). « Pendant cette crise sanitaire, les salariés ont enfin été vus, reconnaît-il. Mais leurs conditions de travail restent atypiques et l'évolution vers le travail en journée/ en continu est trop lente. » Les professionnels de la propreté sont aujourd’hui identifiés comme faisant partie des « métiers de la continuité économique et sociale » mais ils ne sont pas encore reconnus à la hauteur de leur utilité sociale. Ils restent peu valorisés et l’impact de ce service est insuffisamment perçu, l’achat de propreté est souvent jugé au seul prisme du coût. En intervenant en dehors des horaires de présence des collaborateurs et/ou clients du client, les acteurs de la propreté sont - il est vrai - peu visibles.
Échanges et débats
Plusieurs temps forts ont rythmé la journée du 8 septembre. Sur le thème de « La propreté, des métiers invisibles et économiquement peu valorisés », la première table ronde a réuni Christian Du Tertre, directeur scientifique d’Atemis, économiste, et professeur des universités, Tony Hautbois, secrétaire général CGT Ports et Docks, Geoffroy Cailloux, sous-directeur des services marchands à la Direction générale des entreprises (DGE), et Jocelyne Martin, secrétaire départementale FO Propreté. Pour Christian du Tertre, la logique de massification des services ne va pas dans le sens de développement du secteur : « Il faut tendre vers une logique d'adaptabilité. » Geoffroy Cailloux estime, pour sa part, que l'épidémie de Covid-19 a provoqué un déclic par rapport à l'importance de la propreté : « C'est un facteur de sécurité et de confort. Nous devons profiter de cet élan pour faire évoluer la reconnaissance de ces métiers. » Les représentants des salariés ont alerté l'assemblée sur leurs difficultés persistantes malgré cette nouvelle mise en lumière. Ils ont insisté sur le besoin de tendre vers des temps pleins et de favoriser le travail en journée.
« La propreté fait partie de la chaîne de valeur des entreprises. La propreté et la sécurité sanitaire sont essentielles pour faire revenir les collaborateurs au bureau. » Latifa Hakkou
Valorisation du secteur
Lors de la seconde table ronde intitulée « Tous bénéficiaires : la propreté, une activité essentielle et stratégique », Jamil Aït-Idir, secrétaire fédéral CGT Ports & Docks, Sophie Moreau-Follenfant, Dominique Étourneau, membre du Conseil national des achats (CNA), Nadia Jacquot, secrétaire fédérale FO Propreté, et Latifa Hakkou, présidente de l'Arseg (qui représente les directeurs de l'environnement de travail) ont échangé sur la valorisation du secteur de la propreté et la nécessité de faire évoluer les achats. Pour Sophie Moreau-Follenfant, une réflexion autour de la création de valeur doit être menée. « Il faut tendre vers une amélioration des conditions de travail, former et faire évoluer les salariés », ajoute Jamil Aït-Idir. Nadia Jacquot a, quant à elle, demandé que les salariés soient mieux pris en considération : « Enfin ! La crise sanitaire a fait reconnaître l'utilité sociale des métiers de la propreté. Ces travailleurs sont des personnes indispensables au bon fonctionnement de la société. » Dominique Étourneau, également directeur achats du groupe ADP, a relativisé en rappelant que la propreté est un métier stratégique : « Depuis dix ans, nous définissons des mesures pour progresser, comme l'augmentation de la durée des contrats. » « La propreté fait partie de la chaîne de valeur des entreprises, a souligné Latifa Hakkou. La propreté et la sécurité sanitaire sont essentielles pour faire revenir les collaborateurs au bureau. »
Achats responsables
Un troisième débat a abordé le sujet « Des acheteurs et des entreprises responsables », avec la participation de Tony Hautbois, Bernard Lacore, président de la Commission innovation et transition numérique de la FEP, Michel Augé, membre du CNA et directeur achat du groupe Crédit Agricole, Zaïnal Nizaraly, secrétaire général FEETS-FO, et Latifa Hakkou. Tous ont évoqué la nécessité de tendre vers des achats plus responsables, intégrés notamment dans une démarche RSE. « L'acheteur n'est pas l'utilisateur final, a affirmé Michel Augé. Il faut prendre en compte les attentes et les contraintes. » Bernard Lacore a parlé du travail en journée et de la transition numérique.
Des engagements réciproques
La FEP a signé lors de cet événement avec deux organisations syndicales majoritaires (CGT, FO) une Déclaration commune. Celle-ci vise à alerter les pouvoirs publics, les clients publics et privés sur les conditions réelles de réalisation des prestations, et demande à réduire les horaires de travail décalés et/ou fractionnés dans les cahiers des charges, à diminuer la pression continue sur les prix et limiter la massification à outrance et restreindre le renouvellement constant et accéléré des marchés.
Une charte d'engagements pour « un achat de propreté efficace et responsable » a aussi été signée entre la FEP et deux réseaux d'acheteurs et de clients majeurs que sont le CNA et l'Arseg. Parmi ces engagements, on retiendra notamment l'importance pour les marchés publics et privés d'établir une relation équilibrée et de prendre en compte les enjeux sectoriels de la propreté, de favoriser le travail en journée et en continu, de mettre en cohérence la recherche du mieux-disant social et sociétal avec les choix en termes de prix, et d'appliquer les recommandations du site achat propreté.
C'est Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, qui a conclu la Conférence de Progrès : « La propreté, qui fait partie des métiers de la 2e ligne, est indispensable au fonctionnement de la Nation. Les engagements signés par la FEP avec ses partenaires sont prometteurs. Ils répondent à la démarche de valorisation du secteur qui doit s'appuyer sur la qualité des emplois, la rémunération, la formation professionnelle, les conditions d'emploi et le temps de travail. »