picture © Cosmos/BNP Paribas personal finance. Les entreprises ne parlent plus uniquement densification surfacique mais aussi adéquation des espaces aux activités, décloisonnement, flexibilité...
Les nouvelles attentes des salariés, la presque ubiquité permise par le numérique et la nécessaire agilité des organisations font évoluer les visions autour du rôle de l'environnement de travail et ses vecteurs de performance. Analyse des experts de l'Arseg.

À l'image de la société, les entreprises - et leurs salariés - se transforment. Il confère presque à l'évidence de rappe­ler les grandes tendances vécues par tous depuis des années : l'expansion du numérique à tous les usages, l'ac­célération des évolutions des marchés, et l'émergence de nouvelles aspirations dans la tête des salariés. L'Arseg a étudié les grands déterminants de ces trans­formations et analysé les premières ten­dances de ces phénomènes en réalisant une étude quantitative et qualitative, publiée en avril 2018 et intitulée « L'en­vironnement de travail pour transformer l'entreprise ». Retour sur les principaux enseignements tirés de ce travail.

 

De nouveaux enjeux pour les DET

Le cœur d'activité de l'entreprise est soumis à une concurrence accrue, tous secteurs confondus. Les technologies numériques, qui promettent tous les jours de plus en plus d'applications, ont également montré leur capacité à renverser l'ordre établi : cette évolu­tion concerne beaucoup de marchés, y compris ceux des plus grands acteurs de l'économie. Pour y répondre, elles sont ainsi nombreuses à développer massi­vement la création et à chercher l'inno­vation qui leur donnera l'avantage, mais elles ont aussi largement remis en cause leurs organisations, en fonction de l'impératif toujours plus fort d'adaptabilité. Beau­coup d'aspects doivent être remis en question pour rendre son organisation toujours plus agile: une culture d'entreprise pas assez collaborative ou cen­trée sur l'humain, un rapport à l'innovation trop distant, une organisation trop pyramidale et trop souvent en silos, etc. 

 

L'environnement de travail peut donc intervenir en faveur de cette logique business de recherche d'innovation et d'adaptation, mais il convient de ne pas oublier un second angle de vue : celui des sala­riés. En effet, aux côtés des bou­leversements économiques s'en trouvent d'autres, plus sociaux, et qui viennent également influencer l'entreprise dans son organisation et sa culture. Les modes de travail imposent progressivement un travail plus mobile, plus flexible, avec tout ce que cela implique en termes d'adaptation du management. Il est ainsi nécessaire de faire face à ces phénomènes de télétravail (devenu un« droit») en voie de généralisation, de poro­sité de la frontière entre vie pro­fessionnelle et personnelle, ou encore de la montée progres­sive de la qualité de vie au tra­vail (QVT) dans les critères de sélection des entreprises pour les collaborateurs. 

 

 

Un sujet devenant mature et qui suscite déjà des réponses

Loin de concerner uniquement les politiques innovation et RH de l'entreprise, ces tendances externes impactent directe­ment l'entreprise au niveau de son environnement de tra­vail qui devra être flexible et conforme aux attentes des sala­riés. Cette analyse n'est pas que théorique et se confirme a minima dans la prise de conscience de l'enjeu que l'Ar­seg a pu mesurer en préparant cette étude. Ainsi, le panel y exprimait à 86 % sa convic­tion que la flexibilité de l'en­vironnement de travail était un sujet qu'il fallait maitriser pour aujourd'hui et demain. Pour ceux qui n'ont pas connu de freins, un projet immobi-lier (déménagement, regrou­pement, etc.) ou d'un contexte d'évolution stratégique de l'en-treprise a été l'occasion de faire évoluer son environnement de travail. Se transformer vers plus de flexibilité génère donc des attentes, qui s'appuient sur les retours d'expérience dispo­nibles. Les gains recherchés sont révélateurs d'un chan­gement de paradigme dans la profession : pour répondre aux enjeux business, les DET portent en 1ère position les attentes en matière de trans­formation de l'organisation (pour 81 %), devant la recherche d'optimisation du périmètre (69 %). Un déplacement de la recherche de valeur ajoutée du levier de l'optimisation finan­cière vers celui de l'investis­sement dans les conditions de travail. La réflexion menée se détache ainsi de la seule den­sification surfacique qu'avait apportée l'open space (en plus d'un certain mal être pour les salariés). On parle aujourd'hui plutôt d'adéquation des espaces aux activités effectives des salariés, de décloisonne­ment physique et organisation­nel (susceptible d'améliorer les synergies internes) et d'hy­bridation des solutions (entre espaces flexibles, nomadisme, accès à de nouveaux services, etc.). L'objectif est de pouvoir offrir toujours plus de possi­bilités à condition d'accepter d'être mobile et de ne pas être « propriétaire » de ces espaces pour les salariés. Une offre d'espaces complémentaires (informels, confidentiels, 

créatifs) qui s'avère d'au­tant plus importante quand on prévoit des postes de tra­vail individuels partagés (16 à 25 % de plus prévoient des espaces complémentaires dans ce cas de figure), une confi­guration qui n'est cependant pas systématique (42 % restent en configuration de postes «sédentaires»). À cette couche d'aménagement s'ajoutent la couche des services aux col­laborateurs, plébiscités dans 39 % des projets (conciergerie, salle de détente, etc.) et celle des moyens (outils et solutions de mobilité, comme les tiers­lieux ou le home office).
Si les enjeux, gains et palettes de solution sont identifiés, il n'en demeure pas moins qu'une transformation impactera sen­siblement les conditions de tra­vail et l'organisation, et doit donc à ce titre être envisagée dans sa complexité. 

 

 

Comment mener à bien sa transformation ?

Nombreux sont les points sen­sibles de ce type de projet et les préoccupations des utilisa­teurs finaux auxquelles il faut répondre ... Les projets déjà réalisés fournissent quelques enseignements majeurs. Les témoignages recueillis pour réaliser l'étude « L'environ­nement de travail pour trans­Jorm er l'entreprise » nous apprennent en premier lieu que, l'évolution de son envi­ronnement de travail étant un projet d'entreprise, il doit bénéficier d'une bonne inté­gration verticale, allant d'une direction convaincue à des collaborateurs participants, en passant par leurs représen­tants sociaux (IRP). Les aspects opérationnels soulèvent eux beaucoup de questions « tech­niques» qu'il faut longuement étudier : écriture d'une nou­velle charte d'aménagement, adaptation du schéma d'exploi­tation, évolution des systèmes d'information, etc. Un préa­lable aura été une définition des besoins fonctionnels de son organisation (espaces, services, moyens), un calibrage de son besoin immobilier (en tenant compte notamment du noma­disme) et une évaluation de sa maturité (notamment par rap­port à la culture d'entreprise et managériale). 

Les aspects humains sont res­sortis en tant que point de vigilance principal dans cette étude, chez ceux ayant déjà réalisé un projet comme chez ceux qui sont en plein travail sur le sujet. 54 % les voient ainsi comme une «contrainte» majeure à leur projet qu'ils devront plus particulièrement travailler grâce aux outils dis­ponibles (recueil du besoin, participation au groupe projet, communication, formations, accompagnement au change­ ment des salariés et manager, etc.). La mise en œuvre, qui par essence, dans ce type de projet, inclut de la flexibilité (spatiale, temporelle et fonctionnelle) est aussi ressentie comme un important challenge. 

 

Des gains d'ordre plutôt immatériel

À l'heure du bilan, les profes­sionnels ayant partagé leur expérience d'un projet finalisé ont déclaré un fort taux d'at­teinte de leurs propres objec­tifs, plus particulièrement concernant la transformation du travail (96 %) et moins sur l'optimisation (83 %). En effet, bien que progressive et com­plexe, l'évolution des méthodes de travail et de l'usage de son environnement de travail sont fortement porteuses de valeur, alors que le besoin de mètres carrés supplémentaires pour les espaces collaboratifs limite les gains immobiliers et budgé­taires liés à la densification de l'occupation ou à l'ouverture au nomadisme. Les DET mesurent une certaine satisfaction des collaborateurs qui n'empêchent pas de la part d'autres des insatisfactions, mais celles-ci apparaissent d'autant moins importantes qu'on les a impli­qués dans le projet ( de 10 à 28 % d'objectif atteint en moins pour ceux n'ayant dialogué à aucun moment du projet avec leurs collaborateurs). 

Au-delà de l'apport matériel et immatériel que cette mutation de l'environnement de travail apporte à l'entreprise, l'appa-rition de ces nouveaux enjeux et manières d'y répondre pré-sage d'une évolution à long terme du rôle des DET dans l'entreprise. Ceux-ci émergent en tant que garants de la qua-lité de vie au travail et prenne une part importante de res-ponsabilité dans la producti-vité de l'entreprise. En effet, cette nouvelle mentalité d'uti-lisation des espaces et ser­vices s'appuie sur l'idée que la valeur se créera pour l'entre­prise en combinant l'exploita­tion de son capital matériel à son capital immatériel (mana­gement, culture d'entreprise, etc.). Les démarches observées dans le cadre de « flexibilisa­tion » utilisent aussi le levier des gains de productivité plus indirects (qualité de vie au travail, changements de pro­cessus, facilitation du travail, etc.). Une tendance qui contribue à développer de nouveaux modes d'organisation, capables de concilier bien-être des col­laborateurs et performance de l'entreprise, et donc a priori bénéfiques à tous.

 

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LES CONTRAINTES LORS D'UN PROJET DE TRANSFORMATION

Transformer l'environnement de travail n'est pas un long fleuve tranquille ! Que leurs projets soient en cours ou achevés, l'Arseg a interrogé les DET au sujet des contraintes à prévoir.

 

 

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UNE PRISE EN COMPTE OMNIPRESENTE

Deux tiers des projets de transformation incluent une ouverture au travail à domicile. En effet, l'autre dimension à la flexibilité du travail du collaborateur est la possibilité pour lui d'exercer son activité dans un lieu externe à son entreprise: le nomadisme des salariés a ainsi été pris en compte de façon isolée ou en combinaison avec des mesures internes (aménagement, services, etc.) par 83% des entreprises interrogées.

 

 

L'AUTEUR

 

Grégoire Thais travaille comme chargé d'études pour l'Arseg, l'association représentative des directeurs de l'environnement de travail, et qui propose régulièrement des publications, contenus et outils en lien avec cette profession.