33 % C'est le pourcentage de salariés français pratiquant le télétravail au moins une fois par semaine en 2023*. Si cette pratique s'est démocratisée ces dernières années, du chemin reste encore à parcourir pour optimiser sa mise en œuvre. Fort de ce constat, lncitu, organisme certificateur à impact social et sociétal, a organisé un webinaire réunissant plusieurs experts pour discuter de cette question. Objectif: délivrer des clés pour mettre en place une organisation de travail efficace.

Le domicile comme nouveau lieu de travail soulève de nombreuses questions. Selon Vincent Besse, anthropologue, sociologue et directeur scientifique du groupe Domicile & Compétences, auquel appartient Incitu,« le domicile est un lieu protecteur, où l'individu est maître de son espace». Caro­line Diard, professeur associé à TBS Education, confirme que cette dimension personnelle doit être prise en compte par les entreprises et souligne que « le bureau en présentiel ne va plus être le seul vecteur de l'identité sociale et que la culture d'entre­prise va potentiellement se dépla­cer également au domicile du télétravailleur». D'un point de vue légal, le télétravail soulève également des interrogations. « À partir du moment où le lieu d'exercice du travail se situe à domicile, on a une présomption d'imputabilité en cas d'accident de travail», explique Caroline Diard. Un cadre juridique qui mérite donc d'être clarifié par les entreprises.

Lutter contre les inéga­lités en proposant des solutions adaptées

Le travail à domicile peut parfois exacerber certaines inégalités. « Quand on est en province, avec une maison et cinq chambres, on peut aménager un espace de tra­vail plus facilement que quand on est dans un studio dans le centre de Paris», note Caroline Diard. «Le télétravail change aussi la fonc­tion du domicile, qui redevient un lieu de production. La sphère professionnelle se mélange ainsi à la sphère personnelle », constate quant à lui Vincent Besse. Pour ce dernier, cela peut entraîner des risques pour la santé des tra­vailleurs qui pourraient ne pas respecter les temps de pause ou encore travailler le soir voire même le week-end.

Délimiter les frontières entre le privé et le professionnel

Le télétravail provoque « un flou­tage entre les frontières vie pri­vée, vie professionnelle», selon Caroline Diard, « le vrai danger du travail à domicile est que les collaborateurs ont du mal à se déconnecter et cela peut mettre en danger l'équilibre familial». Il est donc essentiel de délimiter les frontières entre le privé et le pro­fessionnel. Le travail à domicile est aussi souvent délétère pour la culture d'entreprise. « La perte des temps informels entre collè­gues peut entraîner une fragili­sation des liens entre les salariés.

« Il est très important de conserver un lien physique et relationnel entre les salariés » Stéphane Théry, responsable projets et programme de labellisation chez Incitu

Or ces temps forts créent le collectif de travail et sont très importants dans la vie d'une entreprise», analyse Vincent Besse. Un enjeu d'autant plus important lors de l'intégration d'un nouveau col­laborateur puisque le télétra­vail tend à rendre ce proces­sus de plus en plus compliqué. « Il est très important de conser­ver un lien physique et relation­nel entre les salariés», confirme Stéphane Théry, responsable projets et programme de label­lisation chez Incitu. De fait, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à signer des chartes ou des accords liés au télétravail. «Elles ont tout intérêt à s'emparer d'un outil assez formel pour proté­ger leurs salariés», note Caroline Diard.

Adapter la relation managériale

Si les experts ont identifié plu­sieurs risques inhérents au télétravail, ils ont également pointé différentes opportuni­tés. À commencer par le temps de trajet domicile-bureau qui est considérablement réduit, ce qui est très bénéfique pour les collaborateurs. « Cela leur permet d'avoir plus de temps pour faire des activités ou pas­ser des moments avec sa famille», explique Vincent Besse. Le télé­travail constitue aussi un vec­teur d'inclusion. « Cela peut faciliter la vie d'un travail­leur porteur de handicap ou d'un collaborateur dans une situation d'aidant », précise Caroline Diard.

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Cette pratique suppose aussi de pouvoir tra­vailler dans le calme et donc d'être davantage concentré ce qui permet d'être plus efficace pour réaliser certaines tâches qui demandent de la réflexion. Le télétravail confère également une liberté d'organisation et une autonomie, ce qui change aussi la donne côté manage­ment. « Cela sous-entend que la relation managériale s'or­ganise autour de la dimension autonomie, confiance et éven­tuellement contrôle reporting », commente Caroline Diard. Dans ce contexte, il est très impor­tant que les managers se for­ment à gérer des équipes disper­sées mais également qu'ils aient conscience des dangers liés à l'hyperconnexion. « Le manager doit tenir compte des différents besoins des individus, ce qui implique de mettre en place du management proximité», sou­ligne Stéphane Théry. À l'heure du travail hybride, la question du management et de la qua­lité de vie au travail devient cruciale pour les entreprises.

*Rapport de Statista