Si elle commence à émerger dans l’Hexagone, la méthode Vested a vu le jour il y a plus de dix ans au sein de l’Université du Tennessee. Elle est le fruit de travaux menés pour le compte de l’US Air Force. Son but ? Construire une relation collaborative entre un client et un fournisseur dans laquelle les deux parties sont engagées en faveur de la réussite de l’autre. Les partenaires co-construisent ainsi un cadre contractuel flexible basé sur la création de valeur commune. Ils mettent l’accent sur les résultats à atteindre, par exemple l’engagement des salariés, le bien-être des occupants ou encore l’absentéisme. Les moyens déployés pour arriver à ce résultat passent en second plan. « Dans une démarche Vested, le contrat est très évolutif. Le donneur d’ordres et le prestataire se challengent en permanence sur l’usage et la qualité des prestations », détaille Catherine Livernet, présidente de Cymbi.O, une filiale du cabinet de conseil By.O Group. Cela offre à l’opérateur FM davantage de latitude pour améliorer, innover et repenser la façon de délivrer enjeux ses prestations sans restriction contractuelle. À l’étranger, certains contrats FM ouvrent déjà la voie. La multinationale américaine Procter & Gamble a ainsi fait figure de pionnière en signant en 2003 un contrat basé sur la méthode Vested avec JLL pour des prestations de facility management dans 60 pays. Plus récemment, c’est Veolia qui a conclu en avril 2017 un contrat de FM avec l’entreprise de télécommunications suédoise Telia. Les partenaires ont déployé une démarche Vested pour la maintenance de 16 000 sites techniques en Suède.
« Définir son ambition pour son site et ses salariés »
Concrètement, de quoi retourne-t- il ? La méthode Vested repose sur cinq piliers (voir encadré). Sa mise en place demande une certaine maîtrise. De nombreuses entreprises font d’ailleurs appel à un tiers pour les aider dans la construction de cette démarche. « Il est également important pour le donneur d’ordres de constituer une équipe projet composée d’un directeur de l’environnement de travail mais aussi d’autres fonctions comme les ressources humaines, les achats, les services juridiques et des directions métier », note Catherine Livernet. Dès la phase amont de l’appel d’offre, le donneur d’ordres doit être en mesure d’exprimer clairement ses objectifs. « Le client va lancer un appel à collaboration dans lequel il définit son ambition pour son site et ses salariés. En face, le prestataire doit être force de proposition », explique David Ernest, directeur du développement et de l’innovation chez Vinci Facilities. Les deux parties vont élaborer conjointement le cahier des charges à partir d’objectifs exprimés par le donneur d’ordres. « La méthodologie Vested demande de l’anticipation et ne peut pas être mise en place dans l’urgence. Il faut compter, par exemple, entre six et douze mois pour rédiger de manière conjointe le cahier des charges », avertit Catherine Livernet. Une fois le contrat mis en place, le donneur d’ordres pilote une activité et non un fournisseur. Des KPIs sont définis en fonction des objectifs du partenariat afin de mesurer l’efficience des actions. Ils doivent être flexibles pour favoriser l’innovation et l’amélioration continue. « La méthode Vested implique une très forte transparence des deux côtés. Dans ce sens, si le prestataire rencontre des difficultés, il doit en parler au client et non les masquer », indique David Ernest. De la même façon, le donneur d’ordres ne doit pas accuser le fournisseur et activer systématiquement des pénalités en cas de problème. Le modèle d’évaluation va au-delà d’une simple analyse d’économie de coûts directs pour se placer dans une approche en coût complet.
« Dans une démarche Vested, le contrat est très évolutif.
Le donneur d’ordres et le prestataire se challengent en permanence sur l’usage
et la qualité des prestations. »
Un cadre commun et mondialement reconnu
À la clé, de nombreux bénéfices : optimisation et réduction des coûts, amélioration continue des prestations, développement de nouveaux services. Sans oublier « un cadre commun et mondialement reconnu pour les entreprises », selon Catherine Livernet. Par ailleurs, « cette méthode pourrait permettre aux opérateurs de FM de monter en compétences, de créer plus de valeur et d’aboutir à un modèle économique pérenne », note David Ernest. De fait, cette méthodologie attire aussi bien l’attention des FMers que des donneurs d’ordres. « Chez Vinci Facilities, cela fait un peu plus d’un an que nous nous intéressons à cette méthode. Nous observons également des marques d’intérêt chez certains clients et nous envisageons de la déployer sur un projet dans les prochains mois », confie David Ernest. Si plusieurs projets de facility management s’inspirent d’ores et déjà de cette méthode, peu de contrats de FM sont à l’heure actuelle réellement estampillés Vested en France. Il faut dire que cette méthode n’est pas forcément adaptée à tous les contrats de FM. « Il est recommandé de déployer cette méthodologie sur un périmètre de prestations assez large et dans le cadre de contrats de cinq ans ou de trois ans avec tacite reconduction. Le donneur d’ordres doit avoir la volonté de bâtir le partenariat sur un moyen à long terme », explique Catherine Livernet. Pour sa part, David Ernest ajoute qu’il « est probablement plus facile de mettre en place un contrat Vested sur un nouveau site que de faire une migration sur un contrat existant ». La mise en oeuvre de cette méthodologie se heurte également à plusieurs écueils. « Le manque de prise de conscience de l’impact du FM sur les enjeux stratégiques des entreprises ainsi que le manque d’anticipation représente actuellement un gros frein dans le déploiement de cette méthode dans le FM », commente ainsi Catherine Livernet. Et David Ernest d’enchérir : « il existe encore aujourd’hui une forte défiance entre le client et le prestataire. Or, Vested est basée sur la confiance mutuelle ». La méthode née outre-Atlantique serait-elle la réponse pour retrouver un dialogue plus serein et une confiance perdue ? À suivre…