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Le secteur du bâtiment, qui représente 26 % des émissions de GES du pays, est un enjeu clé pour l'atteinte des objectifs ambitieux de neutralité carbone de la France à horizon 2050. Mais alors comment réduire son empreinte carbone et atteindre l'objectif fixé ? Explications avec Sabine Brunel, responsable programme Bâtiment décarboné pour l'OID.

Quelle est la tendance observée ces dernières années en matière de poids carbone ?

 Il n’y a, malheureusement, pas réellement de baisse… Ou, si baisse il y a, elle est vraiment très mince. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. La réduction des émissions de carbone découle d’une responsabilité partagée entre les spécifications techniques d’un bâtiment et son usage. Par exemple, si on livre un bâtiment BBC mais que le locataire met une température de consigne à 23°, cela ne fonctionnera pas. Vous aurez beau avoir le meilleur bâtiment du monde d’un point de vue technique, si son utilisateur ne l’utilise pas correctement, vous n’observerez pas de bons résultats. Par ailleurs, on voit apparaître de plus en plus de services dans les immeubles tertiaires. Si cela est une bonne chose pour les occupants, ça l’est moins pour le bilan carbone… L’efficacité énergétique va être compensée, voire presque annulée, par ce que l’on va proposer comme services complémentaires. Si bien qu’au final, un immeuble conçu avec des spécifications techniques et des niveaux de prestations de service élevées n’obtiendra pas forcément de baisse de consommation. Or, il y a une corrélation forte entre la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre. C’est le premier volet.

 

Que recommandez-vous alors aux acteurs de l’immobilier pour agir réellement sur le poids carbone ?

Il nous semble primordial de généraliser la mise en place d’une comptabilité carbone harmonisée pour avoir accès à une information lisible par tous. Aujourd’hui, il n’y a pas deux acteurs de l’immobilier qui comptabilisent leur carbone de la même manière. Nous devons harmoniser cela. Tant que ce ne sera pas fait, il sera compliqué de savoir de quoi on parle exactement. Ensuite, il faudra sensibiliser l’ensemble des professionnels, expliquer que dans le cycle de vie d’un bâtiment, il n’y a pas que la construction initiale et l’exploitation qui émettent du carbone mais aussi tous les travaux, récurrents, qui viennent alourdir la facture. Et sur ce point, nous devons justement arrêter d’encourager les acteurs à effectuer des travaux à tout-va, y compris les travaux de performance énergétique. Mieux vaut observer le cycle naturel d’un bâtiment de bureau et organiser les travaux de rénovation énergétique au moment des chantiers de restructuration, soit tous les 25-30 ans. Il sera toujours préférable de continuer à utiliser des équipements qui ont déjà été produits, et qui ont donc déjà pollués et émis leurs gaz à effet de serre au moment de leur fabrication plutôt que de les remplacer prématurément même si c’est en faveur d’équipements plus performants. L’objectif est plutôt d’allonger la durée de vie des matériaux et des équipements utilisés.

 

 

 

Côté matériaux justement, en préconisez-vous certains ?

On sait aujourd’hui que le bois est beaucoup moins émissif et permet même en partie de stocker du carbone, par rapport à du béton qui est très consommateur. Nous encourageons par ailleurs à privilégier les matériaux biosourcés. Car, en réalité, ce qui pèse réellement dans la balance, ce sont les matériaux de construction. Ce sont eux les principaux responsables du poids carbone. Cela pose donc la question du réemploi, de l’économie circulaire, l’enjeu de la gestion de chantier… Ce sont des leviers très importants pour réduire le poids carbone, mais on en est encore qu’aux balbutiements. Aujourd’hui la logistique n’est pas suffisamment opérationnelle pour le réemploi des matériaux.

 

La neutralité carbone en 2050 en France est-elle un objectif atteignable ?

Nous considérons qu’à horizon 2050, cela peut être atteignable. Mais pour cela, il faut que toutes les solutions et recommandations mentionnées précédemment soient appliquées en même temps et de façon massive ! Sur le bâtiment par exemple, on doit passer de 90 millions de tonnes d’eq CO2/m² par an à 5… Il y a clairement du travail, et ce, à tous les étages !