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Le géant du coworking a entamé un processus de réorganisation stratégique aux États-Unis et au Canada, décidant de mettre fin à certains baux. Si les autres marchés à l’international ne sont, pour l’heure, pas concernés, une telle annonce peut-elle avoir des répercussions en France ? WeWork est-il un cas isolé ou le symptôme d’un modèle économique fragile ?

En difficulté financière depuis plusieurs années, WeWork a déposé le bilan aux États-Unis afin de négocier une réduction significative de sa dette auprès de ses créanciers. Une annonce qui n’est pas passée inaperçue et qui agite depuis le monde du coworking et des bureaux flexibles. Il faut dire que le groupe américain créé en 2010 a longtemps incarné un renouveau dans le paysage de l’immobilier tertiaire. « WeWork a indéniablement permis de renouveler l’image des centres d’affaires », confirme Vincent Desruelles, spécialiste immobilier chez Xerfi. Une vision plus moderne, plus « cool », insufflée notamment par son fondateur Adam Neumann. Mais au-delà de l’image, le géant américain a surtout transformé un modèle immobilier, poussant les acteurs existants du marché à se réinventer. Pour Mehdi Dziri, directeur général d’Ubiq, « ils ont été pionniers et ont très largement contribué à dessiner les grandes lignes du futur de l’immobilier de bureau en flexibilisant les baux, en intégrant des services et en proposant de partager des capacités excédentaires ».

« Une croissance à marche forcée »

WeWork a certes connu son heure de gloire. Mais aujourd’hui, la réalité est toute autre et le groupe se retrouve contraint de se déclarer en faillite, asphyxié par une dette de près de 3 milliards de dollars. Pour se restructurer, il mise dans un premier temps sur la réduction de son empreinte immobilière, en mettant notamment fin à certains baux aux États-Unis et au Canada. Pour Mehdi Dziri, les problèmes de gestion rencontrés par WeWork trouvent en effet leur source dans la négociation des baux long-terme contractés à ses débuts. « À l’époque, l’enseigne voulait croître à tout prix et ouvrir de nouveaux espaces, quoi qu’il en coûte. Ils se sont alors retrouvés avec des loyers qui les engageaient sur 6, 9 ou 12 ans. » Au total, WeWork comptabilise aujourd’hui 777 sites, dans 39 pays. « Ils se sont notamment installés dans plusieurs centres d’affaires, faisant parfois de gros paris selon les localités. Ils ont par exemple voulu ouvrir le plus grand espace de coworking dans Paris intramuros, avec 20 000 m² de surface dans le 13e arrondissement avenue de France. Aujourd’hui, cet actif représente une épine dans le pied parisien de WeWork. Au total, le groupe débourse près de 2,7 milliards de dollars par an pour les loyers et intérêts. C’est colossal. »

Quid du marché français ?

Avec l’effondrement annoncé de ce géant américain, c’est une page qui s’apprête se tourner sur le marché du coworking. « Ce n’est évidemment pas anodin », commente Vincent Desruelles. Mais pour lui, pas de raison de s’inquiéter d’éventuelles répercussions sur le marché du coworking. « Le cas de WeWork relève plutôt d’une gestion défaillante que d’un problème structurel du modèle. Je ne pense pas que cela puisse pénaliser le marché français qui s’est depuis structuré et affiche de bons taux de remplissage. Aujourd’hui, les acteurs ont dépassé la notion de coworking, et se dirigent plutôt vers des prestations élargies, permettant d’offrir d’autres perspectives, C’est un mouvement qui a vocation à se poursuivre voire à s’accélérer » ajoute-t-il.

Mehdi Dziri se veut également optimiste de son côté. « Pour être honnête, si cette faillite était intervenue il y a quelques années, cela aurait pu avoir un tout autre impact sur le marché, en retirant par exemple la confiance des bailleurs dans le coworking. Mais aujourd’hui, le marché a fait ses preuves et est établi. Il continue d’ailleurs à capter de plus en plus d’entreprises. Je ne pense pas que la chute de WeWork puisse venir le déstabiliser »

Pour l’heure, le groupe américain a quant à lui précisé que les activités de WeWork en France ne faisaient pas partie du processus de dépôt de bilan et se poursuivaient « comme à l'accoutumée ».