
« Non seulement certaines innovations ne réduisent pas le risque de transmission du virus mais peuvent en engendrer de nouveaux ». Tels sont les termes mentionnés par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). L’organisme de référence dans le domaine de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels met clairement en garde les entreprises contre les nouveaux dispositifs apparus récemment et vendus en qualité de dispositifs « anti Covid-19 » : revêtements biocides, purificateurs d’air, désinfection par UV ou ozone…
Bien souvent, un nettoyage classique peut déjà prémunir les salariés du risque de contamination. « Il faut avant tout évaluer les risques des différentes surfaces. Est-ce que le local est très fréquenté ? La surface est-elle souvent touchée ? Si l’on juge qu’elle représente un risque de contamination important, soit il faut nettoyer régulièrement avec des produits de nettoyage ou savons (leur tensioactif solubilise les lipides, donc détruit l’enveloppe lipidique du virus, le rendant inactif), soit vous choisissez une opération choc avec une désinfection, à savoir un nettoyage complet suivi de l’application d’une solution de désinfection avec un produit chimique. Or, trop souvent, les entreprises se lancent dans une désinfection alors que des produits nettoyants peuvent être très efficaces contre certains virus, comme c’est le cas pour le SARS-CoV-2 », précise Christine David, responsable du pôle Risques biologiques à l’INRS.
Revêtement biocide : réel allié dans la lutte contre le Covid-19 ?
Des produits de revêtement à fonction biocide sont actuellement proposés pour lutter contre la Covid-19. Ils peuvent prendre la forme de membranes ou de films adhésifs ou encore de vernis à appliquer sur les surfaces. Ces produits revendiquent une action désinfectante permanente et de longue durée vis-à-vis de différents micro-organismes, dont les coronavirus. Or, selon l’INRS, une telle action supposerait au minimum que ;
- le biocide contenu dans le revêtement ait un effet sur le micro-organisme ciblé (en l'occurrence, le SRAS-CoV-2) et que l'effet biocide soit rapide - à titre de comparaison, la norme NF EN 14 476 concernant les désinfectants chimiques, exige un effet virucide en moins de 5 minutes pour les surfaces à fort risque de contamination ;
- la surface à désinfecter soit préalablement nettoyée et parfaitement recouverte par ce revêtement ;
- aucune substance ou salissure ne puisse "masquer" le biocide, empêchant ainsi un contact direct avec le micro-organisme ciblé.
« D’autre part, à chaque fois que le revêtement est touché, la matière grasse et les squames des mains s’y déposent, c’est normal. Ces matières-là recouvrent (à l’échelle microscopique) la substance biocide, qui ne peut alors plus entrer en contact avec les virus », ajoute Christine David. Pour qu’un revêtement biocide puisse maintenir son activité, il serait donc essentiel qu’il soit nettoyé très fréquemment. Ceci revient à effectuer des opérations de nettoyage qui sont, dans tous les cas, préconisées dans le contexte sanitaire actuel, même sans revêtement biocide. En clair, ces revêtements ne se suffisent pas à eux-mêmes et doivent donc faire l’objet des opérations de nettoyage de surface classiquement préconisées.
Désinfection par UV et ozone : des procédés parfois dangereux
Les lampes dites « germicides », rayonnement UV-C sont largement utilisées en milieu hospitalier, dans les laboratoires mais aussi pour le traitement de l’air, de l’eau ainsi que dans l’industrie agro-alimentaire. Attention cependant : les produits de désinfection comme les produits chlorés peuvent se décomposer sous l’action des UV en produits secondaires susceptibles d’être nocifs pour la santé. Pour les personnels exposés au rayonnement UV-C, les risques pour la santé sont importants : « coup de soleil » allant du simple érythème à des lésions plus importantes, inflammation de la cornée et conjonctive… Afin de protéger le personnel, le code du travail fixe des Valeurs Limites d’Exposition (VLE). Une exposition de quelques minutes de la peau ou des yeux à 1,5 m d’une lampe standard (15w = fréquemment rencontrée sur le marché) amènerait à un dépassement de la VLE journalière.
Autre procédé de désinfection, celui avec de l’ozone gazeux en tant que biocide fait également débat, l’ozone étant un gaz irritant pour la peau et surtout les yeux et les muqueuses. Actuellement, en France, des sociétés proposent le recours à des générateurs d’ozone pour la désodorisation, voire la désinfection des locaux. D’après la documentation mise à disposition par ces sociétés, les équipements proposés génèrent des concentrations en ozone jusqu’à plus de 100 fois supérieures à la VLEP journalière. Dans ces conditions, le protocole de traitement des locaux par l’ozone gazeux doit permettre de garantir l’absence de personnes ainsi que l’absence de fuites de gaz vers les locaux adjacents. De plus, une phase d’assainissement de l’air, avec surveillance de la concentration résiduelle en ozone, doit être prévue à l’issue du traitement avant d’autoriser à nouveau l’entrée dans les locaux.
Quant à la désinfection par voie aérienne, elle « ne désinfecte pas l’air mais les surfaces », souligne Christine David. « Cette opération doit se faire après nettoyage de la zone, avec un protocole très lourd : évacuation des matériels non compatibles avec l’humidité, parfaite étanchéité des locaux, hors présence humaine, etc. Il s’agit d’une pulvérisation d’un produit chimique. Il faut être très prudent avec ce type de procédés qui peuvent faire plus de mal que de bien sur la santé des salariés s’ils ne sont pas utilisés correctement », complète-t-elle.
Purificateur d’air : à manier avec précaution
Certains sont également tentés d’utiliser des purificateurs d’air. Ces dispositifs aspirent l’air d’un local de travail et le rejettent dans ce même local après l’avoir traité par différents procédés. Mais seuls les purificateurs d’air équipés de filtres HEPA de classe minimale H13 (selon la norme EN 1822-1) et installés de manière parfaitement étanche peuvent diminuer la concentration de virus susceptibles d’être présents dans l’air. Il est également nécessaire de s’assurer que ces purificateurs d’air intérieur sont adaptés au volume des locaux dans lesquels ils sont disposés et qu’ils n’entrainent pas des vitesses trop élevées pour limiter la dispersion des gouttelettes.
Dans tous les cas, ils ne peuvent se substituer aux apports d’air extérieur définis par le code du travail. Par ailleurs, l’INRS déconseille fortement de choisir des appareils utilisant un traitement physico-chimique de l’air (catalyse, photocatalyse, plasma, ozonation, charbons actifs…). Non seulement leur efficacité vis-à-vis des virus n’est pas prouvée mais suite à une dégradation de polluants parfois incomplète, ils peuvent impacter négativement la qualité de l’air intérieur.
Concrètement, comment savoir si un produit est actif contre le SARS-CoV-2 ?
« Un produit virucide doit répondre aux tests de la norme NF EN 14476 qui demande à ce que la baisse de la charge virale soit supérieure ou égale 4 Log, c’est-à-dire une diminution d’au moins 10 000 fois la dose de virus initialement appliquée pour le test », explique Christine David. « Pour connaitre cette donnée, il faut demander le rapport d’essai au fabricant, les conclusions sont généralement très claires », poursuit-elle. Un autre facteur déterminant est le temps pour obtenir ce résultat : s’il se compte en heures, le désinfectant est inutile car le temps qu’il agisse, de nouvelles personnes auront touché la surface et été possiblement contaminées. « Il faut utiliser un désinfectant ayant une action rapide ou nettoyer plus souvent », préconise alors la responsable du pôle Risques biologiques.
Quand nettoyer ou désinfecter ?

La réponse (nettoyage ou nettoyage/désinfection) est proportionnelle au risque de contamination d'une surface. Ce risque s'évalue en fonction de l'affluence et de l'usage des surfaces :
- plus l'affluence est grande, plus grand est le risque que la surface soit contaminée par des postillons d'une personne infectée (symptomatique ou non) ;
- plus la surface est touchée, plus grand est le risque que la surface soit contaminée par les mains contaminées des personnes infectées ou non.
Lorsque les surfaces présentent un risque faible de contamination par le SARS-CoV-2, les locaux sont entretenus quotidiennement avec les produits de nettoyage habituels. Les surfaces présentant un risque de contamination par le SARS-CoV-2 jugé plus important (rampes d’escalier, poignées de portes, interrupteurs, boutons d’ascenseur, écrans tactiles, combinés de téléphone, appareils de paiement, comptoir d’accueil, sanitaires…) sont quant à elles traitées spécifiquement plusieurs fois par jour par frottement avec des lingettes imbibées de produits contenant un tensioactif ou un tensioactif plus une substance à la concentration reconnue pour inactiver le virus.
Dans le cadre de bureaux partagés, s'il n'est pas possible de dédier un bureau par personne, des lingettes pré-imbibées, ou à imbiber de produits compatibles avec les surfaces, peuvent être mises à disposition pour les claviers, souris, téléphones… Lorsque les surfaces sont jugées très contaminées par le SARS-CoV-2, une opération de désinfection peut être effectuée en plus du nettoyage. Cette opération se fait à l'aide d'un désinfectant répondant à la norme NF EN 14 476, en suivant un protocole particulier tel que décrit dans la brochure INRS « La désinfection des surfaces en laboratoire de biologie ».
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