picture Workplace Magazine n°287
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Moins de volumes, des recrutements fastidieux, des normes contraignantes... Le secteur du déménagement d’entreprise connaît ces dernières années quelques difficultés. Pour rester dans la course, les acteurs se diversifient. Aux côtés de leurs traditionnelles offres de transfert, ils proposent désormais des solutions plus globales à leurs clients professionnels. Focus.

Le secteur du déménagement fait actuellement face à plusieurs défis. À commencer par les évolutions du monde du travail qui viennent bouleverser leur activité phare. « Nous avons moins de volume à déménager du fait des nouvelles organisations du travail et de la digitalisation », affirme Laurent Lacour, directeur général de Démépool. Depuis quelques années, le flex office, le télétravail et les espaces de coworking ont le vent en poupe. Résultat : les salariés sont moins nombreux à travailler au bureau et ont moins d’effets personnels sur leur lieu de travail. Ce qui se retranscrit directement sur l’activité de déménagement.  « Auparavant, on comptait 6 à 8 m3 à déménager par salarié. Maintenant, de plus en plus d’entreprises tournent autour de 0,5 à 1 m3 à déménager par salarié car elles adoptent une organisation en flex office et proposent du télétravail à leurs collaborateurs », précise Éric Lehmann, directeur commercial des Gentlemen du déménagement. « Dans les années à venir, les nouvelles organisations de travail se développeront davantage, ce qui impactera encore plus notre activité de transfert. Il faut donc penser à se réinventer dès aujourd’hui », souligne de son côté Nathalie Ledemé Pütz, directrice commerciale chez Gamblin.

 

Une diversification des offres

Pour compenser cette baisse de volumes, les entreprises de déménagement doivent désormais disposer de plusieurs cordes à leurs arcs. « Aujourd’hui, il est devenu important de se diversifier. Nous intervenons par exemple beaucoup plus en amont chez nos clients pour les assister et les accompagner dans leur opération de déménagement», indique Éric Lehmann. Les Gentlemen du Déménagement mettent ainsi à disposition un chef de projet et un contremaître chez leurs clients quelques semaines avant le déménagement pour accompagner les collaborateurs, organiser des réunions de planification, étiqueter le mobilier, etc. Dans leur périmètre également aujourd’hui, la gestion du matériel informatique. « Nous observons une hausse pour des demandes connexes comme le transfert informatique qui consiste à déconnecter et reconnecter le matériel informatique par des techniciens qualifiés en incluant le paramétrage et la remise en service des serveurs », développe Laurent Lacour. Cette activité se réalise en plusieurs étapes : une phase préparatoire qui permet d’identifier et de faire un inventaire des systèmes informatiques, une étape d’arrêt des serveurs, postes de travail, imprimantes et autres périphériques, le conditionnement du matériel, son transfert et enfin l’étape de redémarrage, assortie d’un compte-rendu d’intervention. « Le fait de gérer l’ensemble de ces étapes permet d’éviter un arrêt d’activité prolongé car nous agissons dans la continuité du déménagement », affirme Laurent Lacour.

 

 

Archives, mobilier... La palette s’agrandit

Le directeur général de Démépool estime qu’il y a également de l’avenir du côté de l’externalisation de la gestion des archives. Ainsi, une entreprise pourrait confier à une société de déménagement la gestion et le stockage de l’ensemble ou d’une partie de ses archives. Le but ? Gagner de la place et du temps. « Nous notons une véritable attente des entreprises tertiaires à ce sujet. Nous sommes encore assez éloignés de ce type d’offre pour le moment mais nous pourrions nous en approcher dans les années à venir car il existe une proximité entre l’activité de transfert d’entreprise et d’archivage », explique Laurent Lacour. Si l’archivage électronique se développe, les entreprises doivent conserver un bon nombre de documents papier notamment en raison d’obligations réglementaires. « La consultation de ces archives physiques devient aléatoire et marginale, d’où l’intérêt d’externaliser leur gestion à un tiers », estime Laurent Lacour. Par ailleurs, les sociétés de déménagement ont de plus en plus une carte à jouer du côté du mobilier usagé. « Depuis quelques années, nos clients nous confient de plus en plus leurs anciens mobiliers car ils souhaitent profiter du déménagement pour renouveler leur gamme de mobilier et rendre le site plus attractif », remarque Nathalie Ledemé Pütz. « Nous pouvons organiser des ventes aux enchères ou travailler avec Valdelia, avec qui nous avons un partenariat pour le mobilier non réutilisable », détaille de son côté Éric Lehmann. Les offres de manutention semblent également faire mouche. Celles-ci consistent à réaménager un espace de travail, déplacer du mobilier de bureau, transférer des documents, etc. Les solutions de stockage proposées par les sociétés de déménagement attirent également de plus en plus d’entreprises, notamment dans les grandes agglomérations. « Nous avons beaucoup de clients, par exemple à Paris, qui nous confient le stockage de leur mobilier », confirme Nathalie Ledemé Pütz.

 

Des difficultés pour recruter

Si les acteurs ne manquent pas de ressources pour se réinventer, le secteur du déménagement reste confronté à une autre problématique : le manque d’attractivité du métier. « Il devient de plus en plus compliqué de recruter des déménageurs professionnels, même si le salaire est correct », constate Éric Lehmann. La pénibilité du travail et les horaires décalés constitueraient notamment un frein pour la nouvelle génération de travailleurs. Le déménagement fait aussi face à une concurrence d’autres secteurs, notamment celui des transports. Outre le salaire, les professionnels du secteur estime qu’il est nécessaire d’actionner d’autres leviers pour rendre le métier plus attractif comme des formations, des plans de carrière, mettre en avant l’aspect serviciel de la profession et instaurer une culture d’entreprise auprès des déménageurs.

 

Des normes qui se durcissent

Enfin, les normes environnementales, de plus en plus drastiques, viennent également mettre des bâtons dans les roues des déménageurs. Le Parlement et le Conseil Européen ont conclu un accord en juin dernier pour réduire de 30 % d’ici 2030 les émissions de dioxyde de carbone des poids lourds neufs. Pour le moment l’alternative la plus propre est celle des camions au biogaz. « Nous avons déjà investi dans des véhicules qui roulent au biogaz, notamment pour travailler à Paris », informe Nathalie Ledemé Pütz. Problème : le changement de flotte est difficile à supporter financièrement, d’autant que les camions de déménagement ont une durée de vie assez longue car ils font peu de kilomètres. « Les règlementations anti-pollution risquent de nous contraindre à changer nos véhicules alors que ces derniers sont encore en bon état », regrette Laurent Lacour. Par ailleurs, les règles en matière de stationnement se durcissent dans certaines agglomérations, notamment à Paris où la municipalité prévoit de faire payer les demandes de stationnement aux véhicules de déménagements. « Mais en contrepartie, nous ne serons pas garantis d’avoir une place de stationnement », déplore Éric Lehmann. Pour faire face à cette difficulté, Gamblin fait appel à des sociétés de ventousage. « Celles-ci nous réservent une place de stationnement à l’avance afin que nous ayons la garantie de pouvoir nous stationner le jour du déménagement », indique Nathalie Ledemé Pütz. « Face aux obstacles, nous devons rester créatif, être à l’écoute du marché, des clients, des innovations et s’adapter aux contraintes », conclut-elle.