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Depuis maintenant plusieurs semaines, la majorité des immeubles de bureaux sont à l'arrêt. La période, inédite, entraine des situations délicates pour les prestataires de service. Comment gérer une plus faible activité sans pour autant mettre en danger les fournisseurs ? Regards croisés entre donneurs d'ordres et prestataires.


Prestations de propreté, d’accueil, de restauration, de conciergerie… Si elles tournent habituellement à plein régime dans les immeubles de bureau, force est de constater que leur activité a été subitement réduite, voire même complètement arrêtée avec l’annonce du confinement le 16 mars dernier. Des situations qui peuvent entrainer des difficultés économiques, notamment pour les TPE et PME. Loin d’être un cas isolé, le secteur de la propreté enregistre par exemple une baisse de son chiffre d’affaires depuis le début du confinement. « L’activité des entreprises de propreté est arrêtée à hauteur de 60 %, nous constatons donc 60 % de perte du CA. Nos activités aujourd’hui sont essentiellement concentrées et réservées au domaine sanitaire et aux activités essentielles (hôpitaux, Ehpad, cliniques privées, grande distribution, transports…) », commente Philippe Jouanny, président de la Fédération des entreprises de propreté (Fep). Dans un communiqué envoyé à ses adhérents, l’Arseg s’est associée à l’Adra, la Fep, la Fedene, la Rics et le Sypemi pour rappeler qu’en « cette période de perturbation majeure de l’activité économique en France, il convient de prendre en compte les difficultés – notamment d’approvisionnement, de déplacement, et de protection des salariés – auxquelles les prestataires doivent faire face. Ainsi, l’application de pénalités contractuelles, de demandes de réparation ou de résiliations brutales devront s’appuyer sur des manquements incontestables, graves et qui ne sauraient être excusés par les circonstances exceptionnelles qui s’imposent à tous aujourd’hui ». Une prise de position nécessaire selon Latifa Hakkou, directrice de l'environnement de travail chez Ipsen et secrétaire générale adjointe de l’Arseg. « Certains ont tout de suite suspendu leurs contrats et le paiement. Pour ma part, je continue à payer mes prestataires. Tout cela appelle selon moi à beaucoup de responsabilités et surtout, une position éthique vis-à-vis de nos prestataires. À plus forte raison, vis-à-vis des PME, plus vulnérables et plus fragiles face à ce contexte », affirme-t-elle. Même constat chez un grand groupe français, où la direction de l’environnement de travail travaille main dans la main avec les services achats et juridique pour apporter la meilleure réponse possible aux prestataires et essaie de « faire le nécessaire juridiquement pour les mettre en sécurité, physique comme financière, car c’est aussi notre rôle. Nous ne pouvons pas nous permettre de les mettre en difficulté ».

 

Un juste niveau de facturation

Pour rappel de jurisprudence constante, dans la majorité des cas, la force majeure ne permet pas de se dégager d’une obligation de paiement. De ce fait, les entreprises ne peuvent pas se prévaloir d’une situation de force majeure pour se dégager de leurs obligations de paiement envers leurs prestataires, sans une analyse fine de chaque contrat. (cf décret N°2020 - 259 du 15 Mars 2020). « Le cas échéant, il pourra être souhaitable de se concerter avec le cocontractant sur les adaptations du contrat qui seraient éventuellement utiles ou nécessaires », recommande l’Arseg. Un appel au dialogue et à l’écoute partagé par la Fep qui rappelle que, si 88 % des entreprises de propreté ont fait appel au chômage partiel, elles restent soumises à des frais fixes. « Nous facturerons nos clients à la hauteur des travaux qui ont été effectués. Et bien sûr, il y aura une discussion à mener pour une facturation à hauteur de ces frais de « reste à charge » de l’entreprise qui, eux, différents selon chaque entreprise, sont incompressibles. Sans oublier des frais opérationnels qui sont un peu plus importants que d’habitude, notamment en termes de matériel et de produits, là aussi, divers d’une entreprise à l’autre. Je pense bien entendu aux gels hydroalcooliques, gants et masques de protection, commente Philippe Jouanny. Il appartiendra aux parties de négocier à la fin de ce confinement le juste niveau de facturation à déterminer pour chaque contrat. » De leurs côtés, certains DET se mobilisent afin d’offrir des garanties. « Nous avons certains partenaires qui sont en difficultés. Nous restons très proches d’eux et essayons de les aider, en payant par exemple nos factures plus rapidement. Nous n’imposons rien, nous discutons avec eux afin de déterminer les bons niveaux de facturation sur cette période d’arrêt quasi-total pour certains », témoigne Emmanuel Deparis, directeur de l’environnement de travail chez Axa France.

 

 

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Comment agir ?

Face à cette situation, l’Arseg, appelle en effet les donneurs d’ordres à préserver l’écosystème en considérant la situation de chaque prestataire afin de maintenir les contrats et relations commerciales, et en payant les factures des fournisseurs qui se retrouvent sans activité du fait des décisions prises pendant la durée de la fermeture des établissements, en coordination avec la direction financière et la direction des achats. L’association préconise également d’échanger avec les sous-traitants pour trouver une issue qui préserve les intérêts de chacun et exercer ses droits de manière loyale et enfin, de respecter les entreprises prestataires en évitant de leur faire pression si elles n’ont aucune obligation légale de mettre leurs propres salariés en situation de risque sous couvert de votre contrat.