picture © DR
Face à la situation inédite qui touche actuellement les entreprises, Workplace Magazine a souhaité laisser la parole aux responsables de l'environnement de travail qui continuent, au quotidien, à assurer la sécurité et la santé des salariés. Ils racontent leur expérience vécue, en cours et à venir. Les DET sur le front, épisode 4, avec Emmanuel Deparis, directeur de l'environnement de travail chez Axa France.

« Axa étant un groupe international, nous avons des relations régulières avec nos collègues en Asie. On a très vite su et compris qu’il s’agissait d’un phénomène assez massif. Nous avons alors anticipé dès la mi-février le risque de coronavirus en France. Nous avons mis en place une première cellule Actualités de suivi coronavirus, qui s’est réunie plusieurs fois par semaine, puis ensuite, une cellule de crise nationale. Tout cela bien avant le 17 mars. À partir de là, nous avons identifié quatre phases : l’avant-confinement, le confinement, la reprise et les retours d’expérience. Pour la première phase, l’avant-confinement, on a pu s’appuyer sur les plans d’urgence logistique mais aussi sur notre expérience passée, notamment avec la crise H1N1 de 2009. Nous avons fait des comités de suivi, mis en place avec nos prestataires des mesures techniques et logistiques pour commencer à organiser les barrières sociales de protection de personnes. Nous avons aussi réfléchi avec les RH, les achats, la com, etc. sur différents plans de travail afin de fonctionner par demie-équipe pour limiter les croisements dans le bâtiment.

 

L’environnement de travail, opérationnel en présentiel comme en distanciel

Puis vint l’annonce du confinement. Il a fallu organiser la fermeture des sites mais aussi continuer à faire vivre les trois sites qui restent ouverts pour des activités de plateaux téléphoniques, bancaires, ou d’assistance. Nous voulons également continuer d’apporter une assistance informatique à nos collaborateurs. Nous ouvrons donc tous les sites deux matinées par semaine pour permettre aux gens d’aller au kiosque IT, sur rendez-vous. Il a aussi fallu organiser le niveau de gestion minimum des sites, les mettre au ralenti. Nous avons des équipes de prestataires qui continuent à travailler, à faible taux d’activité certes, mais l’activité n’est pas nulle. Par exemple pour la maintenance, puisqu’il y a peu de curatif car les bâtiments sont à l’arrêt, nous leur avons préconisé de profiter de ce temps pour faire du préventif. De notre côté, nous avons conservé nos agendas, on fait nos réunions avec Skype, Teams… Finalement nous avons transposé l’environnement de travail que l’on connaissait en présentiel en distanciel. C’est primordial car l’environnement de travail est aujourd’hui au centre. Ce n’est certes pas le seul acteur, mais c’est un acteur majeur pour l’entreprise car dès lors que l’on parle de coronavirus, on parle de santé au travail. Cela nous positionne de fait au centre de gravité de l’entreprise, nous expose mais met également en avant nos métiers.

 

La reprise, cette inconnue

C’est, selon moi, la phase la plus complexe. La reprise, c’est l’inconnu : on ne sait pas quand, qui, combien de personnes et pendant combien de temps. Si je mets en place des procédures, cela sera pour deux semaines, un mois, trois mois ?... Car cette période est inconnue quant à son début mais aussi quant à sa fin. Pendant ce temps, nous devons réinventer une vie d’entreprise dans un périmètre forcément différent. On y travaille. On va pouvoir bénéficier de tout ce que l’on avait prévu dans la phase de l’avant-confinement. Les mesures de gestes barrière, de distanciation sociale, de protection du bâtiment… Nous allons évidemment les conserver. Toutes les équipes de l’environnement de travail, site par site, métier par métier, ont identifié les nécessités de remise en armement de nos bâtiments : prévoir la restauration, relancer la maintenance, etc.

Et puis mettre en place des règles de vie. Nous allons revenir progressivement par équipe après le déconfinement. Mais quelles équipes ? Comment gérer le stress de la reprise du travail ? La gestion des transports ? Et comment vivrons-nous sur le site ? Comment les collaborateurs vont pouvoir prendre un café sans être en risque s’il faut toucher la machine ? Que faisons-nous des fontaines à eau ou des plateaux dans les restaurants ?... Autant de questions qu’il va falloir gérer et auxquelles nous allons devoir trouver des réponses. Par exemple, nous avons développé le concept d’agile working sur certains sites, notamment en Île-de-France, avec pour règle d’implantation 7 postes pour 10 personnes, chacun pouvant s’installer où il le souhaite. Mais pour des raisons d’hygiène, tant que nous sommes en crise, nous avons décidé de figer les places. Nous allons installer une personne sur deux en quinconce et les collaborateurs devront conserver toujours la même place. D’abord parce que cela facilitera le nettoyage, et puis surtout, en cas de nouvelle contamination d’un collaborateur, cela nous permettra d’identifier qui était assis à côté et d’avoir ainsi une traçabilité sur vie sur site des risques éventuels. On travaille aussi avec les services achats pour voir comment s’approvisionner en masques, quels seront les bons choix… Car c’est l’un des rôles fondamental d’un directeur de l’environnement de travail : être le vecteur de la garantie de la responsabilité pénale de l’employeur en matière de santé et d’hygiène au travail. Nous avons une obligation très forte, il va falloir que l’on mette tous les moyens nécessaires sur la santé physique, mais aussi psychologique des collaborateurs. Je pense que pour nos métiers, le plus complexe est devant nous. »

 

 

 

Retrouvez les autres épisodes de notre série "Les DET sur le front" :