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Le télétravail, la panacée ? Pas si sûr, d’après l’étude de la Dares et de l’Insee publiée début novembre autour de la question « Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ? ». Ces derniers travaillent plus, ne bénéficient pas de plus d'autonomie et sont finalement plus isolés… De quoi remettre en question certaines idées reçues...

Le télétravail se répand en France, mais il est encore loin d’être la norme. Si les salariés le sollicitent de plus en plus, les entreprises, elles, restent plutôt frileuses à l'accorder. Les ordonnances Macron de 2017 ont assoupli ses conditions. Mais personne ne semble en mesure de trancher si oui, ou non, le télétravail est bénéfique pour les collaborateurs. Pour y voir plus clair, une étude de la Dares et de l’Insee s'est penchée sur ce mode de travail qui concerne majoritairement les cadres (ils étaient 61 % en 2017). Décryptage des principaux résultats.

 

Les télétravailleurs travaillent plus
VRAI

Les télétravailleurs ont tendance à travailler davantage, en moyenne 35 minutes de plus par semaine. Ceux qui pratiquent le télétravail deux jours ou plus par semaine travaillent en moyenne 43 heures par semaine, contre 42,4 heures pour les non-télétravailleurs. Ils déclarent également deux fois plus souvent que les autres travailler plus de 50 heures par semaine. À noter qu’ils travaillent plus en débordement : après 20 heures ou le samedi, par exemple.

 

Les télétravailleurs sont plus autonomes
FAUX

Si les télétravailleurs affirment pouvoir s’interrompre ponctuellement quand ils le souhaitent, ils ne sont pas pour autant dotés d’une plus grande autonomie opérationnelle. « Ces cadres sont soumis à autant de contraintes de rythme et ne disent pas moins souvent devoir "travailler intensément" ; ils ne sont pas moins nombreux à devoir travailler vite et à peine moins à devoir toujours ou souvent se dépêcher », décrit l’étude.

 

Le télétravail isole
VRAI

Les cadres interrogés témoignent d’un sentiment de distance vis-à-vis de leur hiérarchie et de leurs collègues. Ils déclarent manquer d’aide de la part de leur supérieur hiérarchique et d’informations claires et précises de la part de leurs collègues. « Si cet isolement semble affecter la coopération, il ne semble pas jouer sur le sentiment de reconnaissance des supérieurs et des collègues ni sur les perspectives de promotion, analyse l’enquête. De même, la convivialité des relations avec les collègues de travail ne semble pas affectée. »

 

Le télétravail est utilisé dans un environnement de travail instable
VRAI

« Les cadres pratiquant le télétravail sont plus nombreux que les non‑télétravailleurs à avoir connu au cours des 12 derniers mois des changements organisationnels importants de l’environnement de travail », indique l'étude. En effet, un télétravailleur intensif sur cinq (21 %) travaille dans un établissement ayant connu un plan de licenciement (contre 4 % des non‑télétravailleurs). 37 % dans des structures ayant subi un déménagement ou une restructuration (22 % des non‑télétravailleurs), et 37 % un rachat ou un changement de direction (18 % des non‑télétravailleurs).

 

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Les télétravailleurs craignent pour leur emploi
VRAI

Les télétravailleurs ressentent un sentiment élevé d’insécurité économique : 47 % des télétravailleurs interrogés estiment que la sécurité de leur emploi est menacée, contre 12 % pour les non-pratiquants.

 

Le télétravail n’est pas sans risques pour la santé
VRAI, MAIS…

L’état de santé des télétravailleurs est décrit comme « plus altéré » que celui des autres. Ils ont deux fois plus de chance de présenter un risque dépressif sans que l’on puisse savoir si le télétravail agit comme un facteur aggravant ou une réponse à cet état. Le lien entre télétravail et état de santé altérée reste donc à nuancer, car les raisons de la mise en place du télétravail ne sont pas appréhendées par les enquêtes utilisées.

 

Le télétravail permet une meilleure conciliation des temps
FAUX

« Les télétravailleurs ne semblent pas bénéficier d’une meilleure conciliation vie professionnelle/vie privée que les non-télétravailleurs. Ils sont tout autant satisfaits de leur travail que les non-télétravailleurs, ni plus, ni moins », témoigne Amélie Mauroux, adjointe au chef du département Conditions de travail et santé de la Dares.

 

Conclusion ?

« Tout se passe comme si les avantages du télétravail étaient contrebalancés par une moins bonne santé et de moins bonnes conditions de travail, ces facteurs d’insatisfaction pouvant en partie préexister à la mise en place du télétravail », conclut l'étude.

 


La Dares a apporté son expertise à la publication
L’économie et la société à l’ère du numérique (Insee Références, 2019) qui rend compte des transformations de l’économie et de la société par le numérique. Ce dossier étudie l’impact du télétravail sur les conditions de travail des cadres et plus généralement les relations sociales des télétravailleurs au sein de l’entreprise et prolonge les travaux connus à ce sujet dans la littérature.