Thierry Pautrat n’a pas un, mais deux costumes de travail. Dans son bureau de la tour Europe, à La Défense, cet energy manager de 30 ans à l’allure décontractée opte en général pour la doublette chemise/pantalon en jean. Sur le terrain en revanche, quand il visite l’un des 5 200 sites d’Île-de-France gérés par Dalkia dans le cadre de sa mission de réduction des consommations énergétiques, c’est en tenue de sécurité que ses interlocuteurs le rencontrent. « Mon temps se partage à peu près à parts égales entre le travail de bureau et les déplacements sur le terrain », confie l’intéressé. Le métier d’energy manager est en plein développement. La rationalisation des dépenses énergétiques est à la fois un sujet dans l’air du temps et une nécessité économique. L’augmentation des coûts de l’énergie, la raréfaction des ressources, ou encore le besoin de limiter les impacts environnementaux conduisent de plus en plus d’acteurs à optimiser leur performance énergétique globale.
Pilotage depuis le Desc
Chez Dalkia, la réponse passe par le « Dalkia Energy Savings Center » (Desc). Cette structure, où Thierry Pautrat est l’un des six energy managers en poste, analyse et traite en temps réel l’ensemble des données récoltées dans chacun des sites clients de l’entreprise, ce qui lui permet de piloter à distance leur gestion énergétique. Le Desc, premier centre de pilotage de cette dimension en France, a été créé en 2013 et vite renforcé d’antennes régionales (Lille, Nancy, Tours, Toulouse, Marseille et Lyon) dans chacune des régions historiques de Dalkia. Son organisation centralisée lui a permis d’améliorer sensiblement les performances en termes d’économie d’énergie. Alors que Dalkia aidait ses partenaires à réduire de 20 % leur consommation avant la création du Desc, le taux peut monter jusqu’à 40 % depuis lors. Les energy managers, dont le nombre ne cesse de progresser, en sont la cheville ouvrière. Chaque matin, en arrivant au Desc, Thierry Pautrat commence par vérifier si les alarmes des sites dont il a la gestion se sont déclenchées. « Cela arrive quand les seuils de consommation que nous avons fixés avec le client ont été dépassés. Quand cela se produit, nous cherchons ce qui a causé cette surconsommation et nous prenons les mesures adéquates pour la réduire. » L’ingénieur répond ensuite aux demandes des clients qui veulent des informations sur leur consommation et la manière de l’améliorer.
Du neuf comme de l’ancien
Les profils sont variés. Thierry Pautrat est spécialisé dans les sites du secteur tertiaire : « Nous avons des bâtiments de tous types et de toutes tailles, des immeubles de bureaux dans le neuf ou l’ancien, des centres commerciaux... Nous sommes aussi en charge Paris La Défense Arena. » Si le gros du potentiel du marché se trouve dans l’ancien, qui regorge de passoires thermiques à rénover, les immeubles récents sont également nombreux à faire appel aux services d’un energy manager. L’isolation thermique n’est, ici, pas en cause. Ce sont plutôt les usages. Il s’agit de sensibiliser aux pratiques vertueuses, puis de les généraliser : « par exemple, nous réglons les programmes horaires de ventilation ou d’éclairage pour faire en sorte qu’ils ne fonctionnent que quand le bâtiment est réellement occupé, explique Thierry Pautrat. De la même manière pour le chauffage ou le débit des centrales de traitement d’air, nous adaptons les niveaux de consommation aux besoins réels de l’entreprise. » Rien n’est imposé aux clients. L’energy manager préconise, ses clients disposent : « en pratique, nos recommandations sont largement suivies, précise toutefois Thierry Pautrat. Les clients sont volontaristes dans leur démarche de réduction des coûts. » La relation est d’ailleurs durable : en moyenne les contrats sont signés sur des durées d’un à cinq ans. Avec quelques exceptions notables, telles le ministère de la Défense dans le 15e arrondissement de Paris, qui s’est engagé pour 27 ans. Les techniciens déployés sur site contribuent pour une large part à l’établissement des diagnostics énergétiques. Thierry Pautrat les accompagne volontiers : « je vais sur le terrain pour rencontrer les techniciens avec qui je travaille, c’est plus agréable. Les clients sont aussi demandeurs en termes de suivi. Beaucoup souhaitent un reporting de nos actions sur leur site une fois par an. » Les interventions sur le terrain permettent, par ailleurs, la montée en compétence des personnels des entreprises clientes. « L’idée est de les aider à développer et institutionnaliser les bons comportements en matière énergétique », ajoute Thierry Pautrat. En la matière, beaucoup reste à faire. S’il ne dispose pas de chiffres précis, le jeune homme estime qu’une toute petite part des entreprises, essentiellement des grands comptes, a aujourd’hui pleinement intégré l’importance d’une bonne gestion de leur consommation énergétique. Mais les mentalités évoluent progressivement, et les besoins augmentent. Un signe ne trompe pas : le Desc comptait trois energy manager à sa création en 2013 contre six aujourd’hui. À moyen terme, leur nombre devrait encore augmenter.