Frédéric, vous étiez directeur de l’optimisation immobilière pour la SNCF et aujourd’hui vous voilà directeur du FM et de l’environnement de travail avec le projet Global FM de la SNCF à mener. Comment est né ce projet ? Comment s’est opéré ce changement au sein de la SNCF ?
Il y avait une séparation historique dans le groupe SNCF entre d’un côté l’immobilier, c’est-à-dire la gestion des actifs immobiliers, et de l’autre, une direction de l’environnement de travail, plutôt tournée vers les services que l’entreprise dispense aux activités et aux salariés. Pour schématiser, il y avait une direction qui gérait le contenant et puis une autre qui gérait le contenu. Quand nous avons voulu initier le projet Global FM, nous avons fait appel à un cabinet pour un audit. Le constat était sans appel : l’ensemble du FM « services aux bâtiments et services aux occupants » représentait pour le Groupe une enveloppe de l’ordre de 800 millions d’euros (soit un coût supérieur de 20 % par rapport au reste du marché). L’ensemble était très dispersé, trop internalisé et ne donnait pas l’assurance de sécuriser les bâtiments et les collaborateurs, avec en prime, une satisfaction qui laissait à désirer. Nous avons donc voulu mutualiser les agents et les prestations afin d’avoir un seul opérateur en face de nous pour ne plus avoir de confusion sur les personnes à contacter en cas de problème de maintenance, une question sur les services, etc. On a donc décidé de réunir l’environnement de travail avec l’immobilier en novembre 2018, avec effet au 1er janvier 2020 et de créer le projet « Global FM » avec pour mission de regrouper l’intégralité du FM du Groupe, de s’assurer de la sécurité des occupants et des bâtiments, de poursuivre un objectif de satisfaction des occupants, du client final et enfin, de maitriser les coûts autant internes qu’externes.
Concrètement, sur quoi portent vos réflexions à l’heure actuelle ?
Nous avons des axes de réflexion différents selon la typologie des parcs. Nous allons déployer une offre différenciée pour chacun d’eux. Sur les bâtiments tertiaires (1,2 millions de m²), nous avons une véritable volonté d’aller vers un modèle inspiré de l’hôtellerie. Un changement pas anodin. Nous avons un historique de propriétaires terriens. À l’époque, on aimait bien être propriétaire de son immobilier et de ses terres. Puis on a commencé à vendre nos biens et à louer nos bureaux. Et à présent, nous avons envie de payer à l’usage, comme à l’hôtel. Les bureaux ne correspondent pas du tout aux besoins nouveaux des collaborateurs. Aujourd’hui on n’a plus besoin d’aller au bureau pour travailler, on peut travailler de partout. Nous devons donc revoir notre approche sur le parc tertiaire et décrire ce que sera l’offre de services de demain. Sur les bâtiments industriels (3 millions de m²), nous allons nous tourner vers du full FM et confier à un opérateur l’intégralité de tous les services : du changement d’une porte jusqu’au renouvellement du papier des imprimantes, en passant par le nettoyage des vestiaires, le relamping, etc. Sur ce parc, la réflexion est bien avancée. Nous avons déjà lancé des contrats de full FM sur trois de nos usines. Nous attendons maintenant de voir quels en seront les bénéfices. Enfin, sur les bâtiments ferroviaires (3,2 millions de m² pour plus de 15 000 bâtiments de brigade, de postes d’aiguillage et autres halles logistiques), nous nous posons la question de savoir si nous optons pour du full FM ou si nous faisons appel à un intermédiaire entre nous et les opérateurs du FM pour piloter ces ensembles. Si c’est le cas, est-ce que j’ai recours à du personnel cheminot ? À un property manager ?... La réflexion est ouverte. Avec, toutefois une contrainte : il faut qu’on le fasse rapidement, avec des résultats, eux aussi, rapides en termes d’affichage. Pour l’heure, nous avons un contrat multitechnique, qui doit se terminer en 2025. Nous devons donc savoir à fin 2025 quels appels d’offres lancer, sur quelle nature de patrimoine, etc.
Vous parlez de décrire ce que sera l’offre de services de demain… Pensez-vous qu’il y aura des changements notables dans l’immobilier tertiaire ?
Oui le Covid et le confinement ont été les démonstrateurs majeurs d’un phénomène : les salariés ne viennent plus au bureau pour travailler, ils peuvent le faire de n’importe où. Toutefois, nous aurons toujours besoin du bureau pour avancer ensemble, échanger, avoir des relations informelles, communiquer… Nous nous sommes alors interrogés sur ce que devaient être nos lieux de travails. Car désormais, notre préoccupation est de savoir comment nous allons pouvoir attirer les collaborateurs au bureau. Il est clair que ce n’est pas avec les configurations actuelles ! Les gens ne veulent plus se retrouver assignés à la grande table. Ils ne veulent plus d’un univers aseptisé. Ils veulent pouvoir bouger, se rencontrer facilement. Nous allons alors certainement chercher des opérateurs type coworkers pour transformer les appartements qu’on louait en hôtels, si je puis dire, assurer l’intégralité de la prestation et surtout, ajuster le parc. Nous observions déjà 40 % de bureaux vides avant le Covid. Je vous laisse imaginer aujourd’hui… En 2021, il est certain que la plupart des agents vont nous demander au moins un jour de télétravail, si ce n’est deux. Sans compter les déplacements, les congés, les maladies… Finalement, les agents seront présents dans les bureaux que deux jours par semaine. Cela nous oblige dans un premier temps à revoir le parc. D’où la nécessité de s’associer à d’autres grands industriels pour partager les bureaux ou alors à un coworker qui a l’habitude de faire de l’hospitality management et d’animer des immeubles, de les décorer, de faire des ensembles dans lesquels les collaborateurs vont vouloir venir. Sans oublier de mettre en place des services qui garantissent la sécurité sanitaire. C’est une grande révolution qui touche l’immobilier, mais aussi le FM. On va mettre en place de nouvelles manières d’habiter et d’occuper nos bureaux. Il ne s’agit plus uniquement de services à l’immeuble et à l’occupant mais de services aux salariés. Et ce, jusque chez lui. Car s’il travaille de chez lui, il faut qu’il puisse imprimer, appeler, être installé confortablement, recevoir son courrier… Nous sommes en train de tout revoir et d’établir ce que sera le service à l’agent de demain pour tenir compte de l’évolution des bureaux et du travail. « Je ne veux pas avoir un bureau, je veux être partout comme si j’étais au bureau ». C’est cette grande révolution qu’il faut que l’on mette en place, dans un minimum de temps.