Si le contexte économique nécessite de repenser et d’adapter les process, la stratégie servicielle du Facility Management reste plus que jamais d’actualité. Gage de croissance, celle-ci répond à la fois aux attentes clients en matière de performance immobilière, de territorialité, mais également aux besoins de plus en plus orientés collaborateurs. Pour le SYPEMI (le syndicat des professionnels du Facility Management), la valeur ajoutée ne se fera qu’au prix d’une plus grande reconnaissance du métier, et d’une plus grande flexibilité des services. Entretien avec Éric Lefiot et Christophe Leroy, respectivement président et secrétaire général du SYPEMI.

Comment se porte le marché du FM aujourd’hui ?

Éric Lefiot - Le FM s’est toujours progressivement développé, mais le métier profite aujourd’hui d’une vraie dynamique au sein des grandes entreprises du tertiaire, du commerce et de l’industrie, qui affichent clairement leur intérêt pour les activités de facility management. Cet essor nous convient d’autant plus qu’il va permettre aux opérateurs de déployer des services de façon plus large, et d’affirmer davantage les plus-values de ce métier. Si le FM, dit externalisé, reste toutefois minoritaire au regard du marché global – nombre de sociétés faisant encore appel à des ressources internes ou des structures de production externe avec pilotage internalisé – la croissance est là.

 

Certains marchés, comme les collectivités, font encore de la résistance. Pourquoi ?

Christophe Leroy

- Les collectivités font en effet partie des secteurs les moins engagés sur le sujet du FM. Pourtant, l’ensemble de la profession est convaincue de notre valeur ajoutée dans ce secteur. Leurs freins sont divers, mais résident surtout dans un manque de connaissance du métier, le FMeur étant davantage considéré comme un assembleur qu’un orchestrateur de services. Combler cette méconnaissance en est la clé. Dans cette veine, le syndicat s’est porté partie prenante dans le plan de relance gouvernemental afin de travailler sur ces sujets, en développant notamment un observatoire du FM intégrant acteurs publics et privés.

 

En parlant de reconnaissance, qu’a démontré la crise sanitaire sur la vocation du FM ?

Éric Lefiot – Nos actions auprès des clients depuis le début de la crise sanitaire sont devenues plus visibles et ont su démontrer plus que jamais la raison d’être du FM. Nous travaillons étroitement avec les principales fédérations de services et portons ensemble ces messages. Si la vocation du métier est d’accompagner le client dans le pilotage des services, ce contexte a aussi démontré que nos opérateurs pouvaient recommander et prendre en charge les mesures sanitaires, être présents sur le terrain quoi qu’il arrive, et ainsi soutenir la résilience et la sécurité sanitaire de nos clients.

 

Quels sont les leviers d’attractivité du FM aujourd’hui ?

Christophe Leroy - Renforcer l’attractivité passera par un travail de coordination avec les différents acteurs du métier de service, les fédérations, l’Arseg…, mais aussi toutes les fédérations complémentaires aux métiers de l’immobilier. Nous sommes persuadés que si l’on démontre la valeur ajoutée du FM, l’importance que revêtent les structures de pilotage, la compétence attendue, notre potentiel serviciel sur les problématiques sociétales, digitales, managériales, RSE et BtoC, cela attirera de nouveaux métiers et créera de l’emploi, en particulier chez des jeunes, notamment dans les domaines en tension comme le multitechnique. Vecteur de performance, le FM est un important réservoir de savoirfaire et d’attractivité.

 

La notion de valeur ajoutée est-elle compatible avec une approche purement économique, comme cela a longtemps été la règle ?

Éric Lefiot - Le raisonnement économique a été l’angle d’attaque du métier au départ, mais son évolution balaie aujourd’hui cet argument. Si le partenariat se base sur ce seul intérêt, la prestation sera inévitablement en adéquation avec le prix, et donc moins performante. Or, la valeur ajoutée du FM ne se fera qu’à la condition d’un système qui permette d’offrir davantage de services et de qualité. C’est l’ensemble de ces bénéfices qui tirera vers le haut la prestation de services. Pour cela, les freins liés à la méconnaissance du FM, mais aussi des questions de gouvernance, doivent tomber. Il y a indéniablement une partie de transfert d’activité, de délégation de risques, de responsabilité sanitaire, etc., qui sont pris en charge, mais notre rôle reste avant tout d’accompagner les entreprises pour accroître leur bénéfice serviciel.

 

Dès lors, comment résoudre au mieux l’équation prix/services ?

Éric Lefiot - Il nous faut aujourd’hui trouver la bonne formule, celle d’accroître le champ des services tout en étant rationnels sur les coûts. Nous ne souhaitons plus nécessairement travailler avec les clients sur une notion de prix forfaitaire, négocié annuellement et qui génère la remise attendue. Nous réfléchissons plutôt à rendre le service plus flexible, dans une logique où le client paierait demain ce dont il a vraiment besoin. On peut aussi envisager un modèle mixte : une part forfaitaire qui permettrait à la fois de garantir au client la maîtrise de son risque – et maintenir une forme de cadre avec des salariés rassurés sur leur activité – associée à une offre adaptée et flexible de services. C’est tout le sens du travail que l’on construit aujourd’hui : faire en sorte d’adapter nos métiers et surtout les prestations à la nécessité du client afin qu’elles lui coûtent moins cher et qu’elles lui rendent le meilleur service.

Christophe Leroy - Le sujet de l’interopérabilité pourrait également être une réponse. C’est un vrai challenge, du fait que les clients admettent encore difficilement l’étanchéité qu’il peut exister entre certains de nos métiers. Pourquoi un agent de sécurité ne pourrait-il pas exercer ponctuellement une fonction d’accueil, par exemple ? Les attentes clients et les aspects réglementaires sont à harmoniser.

 

Quelles sont les conditions d’un partenariat optimal, et d’un partage d’information en bonne intelligence ?

Éric Lefiot - L’investissement repose sur les hommes, notamment ceux qui ont une vision servicielle et coordinatrice, mais aussi sur les outils. Car si les clients veulent du service, ils veulent aussi de la réactivité et de l’information. Les process de communication, tels que les systèmes de la gestion de la donnée, sont devenus incontournables. Ce sont des investissements que portent les FMeurs. N’existant pas de modèle universel, notre travail consiste ainsi à tenter de définir des conditions minimales partagées que les prestataires pourraient proposer à leurs clients, à travers une plateforme commune aux deux parties, qui offrirait, quel que soit le FMeur, un mode de communication et d’information attendues, dans lequel tout le monde se retrouve.

 

Au-delà du socle de prestations, sur quelles tendances servicielles parie le FM ?

Éric Lefiot - Le FM, c’est un mode de pilotage de services infinis. Il y aura toujours un tronc commun de prestations qui sont généralement l’apanage du FMeur, mais l’on voit apparaître chez le client différents besoins sur lesquels nous pouvons les appuyer, voire les remplacer. C’était la performance énergétique hier, l’optimisation des postes de travail aujourd’hui, et demain, accéléré par ce contexte sanitaire, tout ce qui aura trait à la gestion du télétravail et à l’hospitality management. L’accompagnement des collaborateurs devenant un aspect de plus en plus important, tout l’enjeu est de réfléchir à la manière dont nous allons les assister en termes de services personnalisés, à l’heure du nomadisme et du travail dans d’autres lieux que dans leurs entreprises. Gestion informatique, restauration, services de proximité en territorialité (c’est-à dire là où ils se trouvent), garde d’enfants…, de nouveaux marchés s’ouvrent, de nouveaux besoins apparaissent, sur lesquels nous avons une carte à jouer.

Christophe Leroy - Dans ce contexte de crise sanitaire, la problématique de l’optimisation des espaces devrait en effet s’accentuer. À l’heure où l’activité se territorialise, les individus vont vouloir retrouver des espaces de travail plus proches de chez eux, plus adaptés, plus à l’échelle du collaborateur, avec plus de services, tels que le proposent les lieux tiers ou espaces de coworking par exemple. Un autre vecteur de développement qui peut être intéressant, pour nous, FMeurs. Et on ne va pas s’en priver.

 

« FM, ou comment piloter la création de valeur » : suivez le guide !

Le nouveau livre blanc du SYPEMI à paraitre début novembre 2020 dévoile
un référentiel des valeurs ajoutées du pilotage FM, à destination des différents
acteurs décisionnaires et utilisateurs, avec de nombreux témoignages clients et
de fédérations de services. « La meilleure façon de faire adhérer
les clients à notre modèle, c’est de faire parler les clients eux-mêmes.
Conditions et effets de la crise, valeurs ajoutées passées, présentes et à
venir, témoignages clients, prospectives… le FM n’accompagne pas
seulement, il est aussi vecteur du changement. Un vecteur qui permet
aux entreprises d’être à la fois plus compétitives, et plus attractives ».
Éric Lefiot, Prédisent du Sypemi

 

 

 

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