Lutte contre les coûts environnementaux cachés, bénéfices économiques et sociaux, renforcement de l'image de marque, soutien à une économie circulaire ... Les raisons d'engager une politique déchets ne manquent pas. La marche à suivre avec les experts de Riposte Verte.

En 2013, Gilbert Bonzon, directeur de l'environnement de travail (DET) de Gecina interrogé dans le cadre d'une mission« Siège exemplaire », m'avoue qu'il ignore les quantités réelles de déchets produites et leur destination finale. Si un contrat le lie bien avec un acteur majeur de la collecte, le repor­ting porte uniquement sur le nombre de bacs enlevés ... Le suivi se fait à grosses mailles ! 

Ce manque d'information lui coûte personnellement car il s'est beaucoup investi pour mettre en place le tri
de près de 15 déchets dont les médi­caments et les lunettes sont les der­niers en date. La frustration est éga­lement professionnelle puisqu'il vise une triple certification du bâtiment en exploitation et que les points sont difficiles à obtenir.

 

Prendre conscience d'enjeux collectifs majeurs

Au-delà de ces attentes, largement par­tagées par la profession, la majorité des DET savent qu'au bureau, chaque occu­pant produit beaucoup de déchets : 125 kg par an selon l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de !'Énergie (Ademe) soit 1/3 de notre production à la maison. Étant près de 15 millions à travailler au bureau, le premier challenge consiste donc à diminuer les quantités produites. Pour y parvenir, pratiquer l'achat durable, lutter contre la surconsommation et favo­riser le réemploi forment le mix gagnant. Prenons l'exemple du papier, premier de ces déchets qui compte pour 80 % du total : acheter une ramette de 2,5 kg de papier recyclé plutôt que de fibres vierges permet d'éviter la coupe d'environ 8 kg de bois, l'absorption de 100 1 d'eau et l'émission de 1 kg de co2.1

Autre déchet emblématique au bureau, le gobelet plastique jetable qui serait consommé à près de 5 milliards d'uni­tés par an en France : savez­vous qu'un seul gobelet de 6 g dans lequel vous buvez un café ou un verre d'eau équi­vaut à 20 g de co2 émis ?² Vive le mug, le verre d'eau ou la gourde! Anticiper la fin de vie pour géné­rer moins de déchets n'est pour­tant appliqué que par 27 % des organisations pour les achats informatiques, 21 % pour le mobilier et 18 % pour les petites fournitures.3 

En complément d'une politique d'achat écoresponsable, toute organisation doit communiquer largement, régulièrement et pas seulement sur les écogestes indi­viduels mais aussi sur les quan­tités annuelles de déchets recy­clés et leur devenir. Une idée de corn' ? Le tri et la collecte sélective mobilisent 30 fois plus de postes que l'en­fouissement et 10 fois plus que l'incinération pour une même quantité de déchets. 4

 

Améliorer des taux de recyclage très insuffisants

Le second challenge auquel nous faisons face collectivement réside dans le passage d'une éco­nomie linéaire (extraire, fabri­quer, consommer et jeter) à une économie circulaire (les déchets deviennent les ressources). Notre chance : 90 % des déchets de bureau sont recyclables. Notre objectif se situe donc là ! Aujourd'hui, la surconsom­mation règne encore accompa­gnée de taux de recyclage très faibles. Pour garder l'exemple du papier, en France, nous consommons tous en moyenne 3 ramettes par mois recyclées à seulement 20 %.5 

Le taux de recyclage du plas­tique est de 22 %, du mobilier professionnel (constitué pour 65 % de métal et 25 % de bois) de 15 % et du verre plat (celui des fenêtres) de moins de 5 %.

Heureusement, l'année der­nière, 93 % des collaborateurs déclaraient que le traitement des déchets sur leur site pouvait être amélioré et 97 % étaient dispo­sés à changer leurs pratiques.6

Le bât blesse plutôt du côté de procédures internes défaillantes voire inexistantes qui génèrent de nombreuses non conformi­tés réglementaires. 

 

Renforcer le contrôle des obligations 

Mal connue, la majeure partie de la réglementation applicable au bureau concerne le traitement des déchets qu'un peu moins d'une organisation sur deux (44 %) déclare connaître pour l'ensemble de ses déchets. Quant à l'ordre légal de préférence des modes de gestion (!/Prévention 2/Réemploi 3/Recyclage 4/Valo­risation 5/Élimination), 50 %pense que c'est encore un pro­jet de texte législatif.7 

Le 10 mars 2016, un décret passé relativement inaperçu rendait obligatoire le tri à la source de 5 déchets non dangereux: papier, plastique, verre, métal et bois. Il ne s'adressait pas exclusive­ment aux environnements ter­tiaires mais c'est là que sont les gisements les plus impor­tants. Le but est de séparer ces déchets des autres, soit matière par matière, soit en les plaçant dans un même container pour un tri ultérieur dans un centre agréé. 

Tout comme le registre des déchets, il s'applique aux orga­nisations professionnelles privées ou publiques (avec un seuil de déclenchement de 20 personnes) mais, pour cette obligation non plus, aucun contrôle de son application n'est effectué. Sans contrôle, les entreprises ne sont pas encouragées à agir. Pourtant, ce pourrait être assez simple puisqu'une attestation men­tionnant les quantités reçues, la nature des déchets et leur des­tination de valorisation finale doit être remise par le collec­teur à chaque passage. 

 

Cibler en priorité le papier, le reste suivra

En 10 ans, le taux de recyclage des papiers de bureaux n'a pas évolué même si cette matière secondaire constitue un gise­ment précieux pour produire du papier recyclé. Abondant, il est estimé à 900 kt annuelles .8

Moins dur que le bois, il néces­site moins d'énergie et moins d'eau pour sa transformation. Facile à désencrer, il est pré­féré aux catalogues promotion­nels des grandes surfaces qui inondent nos boîtes aux lettres (également 900 000 tonnes dont un jour il faudra parler sérieusement). 9 

Pour une entreprise, mettre en place une gestion dédiée de ce déchet remplissant les 3/4 de ses poubelles de bureau fait sens et permet de poser les bases d'une démarche glo­bale. Quelle que soit son acti­vité, tous les collaborateurs voient passer dans leur mains du papier. C'est un formidable support de communication interne pour prouver son enga­gement et faire changer dura­blement les mentalités.

Une initiative remarquable consiste d'ailleurs pour une organisation à revendre son papier usagé à l'usine même qui produira son papier recyclé. Malheureusement, seuls 12 %des achats de papiers graphiques (écriture, impression ... ) sont orientés vers du papier recyclé.10

 

Suivre des principes directeurs déclinés en actions concrètes

On voit donc bien que les rai­sons d'engager une politique de bonne gestion des déchets ne manquent pas : lutte contre les coûts environnementaux cachés, bénéfices économiques et sociaux, renforcement de l'image de marque et, bien sûr, soutien à une économie circulaire. 

Pour réussir, une organisation doit, bien sûr, se conformer à la réglementation mais surtout formaliser progressivement sa démarche en s'appuyant sur un diagnostic complet, l'adapter à sa taille et sa culture d'entre­prise et impliquer ses collabo­rateurs, les premiers acteurs du geste de tri. 

Pour Gilbert B., la clé du succès réside dans le respect de prin­cipes directeurs qu'il a décliné en actions concrètes : 

- Lutter contre la surconsommation : sensibilisation des assistantes en charge des achats de fournitures, découpe d'armoires en bois transfor­mées en meubles bas ... 

- Acheter des produits écoconçus : bureaux modulables, meubles en bois massifs, chaises recyclables à 98 % ...

- Faciliter le geste de tri : corbeilles « désirables » et bien identifiées, répartition adap­tée au bâtiment...

- Assurer la collecte de tous les déchets pour valorisation pro­duit, matière ou énergétique. 

- Communiquer régulière- 10 Baromètre PAP50 WWF-Riposte ment: messages sur l'Intranet, concours ludiques...

Et pour resserrer les mailles du reporting, il changea de prestataire de collecte quelques mois plus tard afin de bénéficier pour tous les déchets d'une pesée de chaque bac enlevé. Double cerise sur le gâteau : cette prestation effectuée par une entreprise adaptée lui assure de faire tra­vailler au moins de 80 % de personnes en situation de han­dicap et lui coûte 65 % moins cher ! Autant d'argent qu'il a investi en 2018 sur d'autres projets RSE pour la cinquième année consécutive.

 

D'où viennent les émission ?

 

L'AUTEUR

 

Cyril Hergott est le cofondateur de Riposte Verte, scop qui regroupe des experts du conseil et de la for­mation des stratégies RSE et environnementales au bureau.

 

1. Comparaison Production papier issu de fibres vierges vs recyclées par l'Insti­tut de recherche IFEU, Heildelberg pour Steinbeis. 2010.

2. Affiches Déchets de bureau et GES, Riposte Verte pour la région IDF. 2016.

3. Étude« Quelle gestion des déchets de bureau?», Riposte Verte. 2017.
4. Étude« Mieux gérer ses déchets: une chance pour l'emploi?», Ordif. 2013.

5. Guide« Écoresponsable au bureau», Ademe. 2017. 

6/7. Étude« Quelle gestion des déchets de bureau?», Riposte Verte. 2017.

8. Convention du 6 février 2012, Minis­tère de l'écologie, du développe­ment durable, des transports et du logement.2012.

9. Flux de produits graphiques en France, Ademe. 2016. 

10. Baromètre PAP50 WWF-Riposte Verte. 2013. 

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