À l'heure où les salariés expérimentent le home office à grande échelle, la notion de confort et bien-être apparaît très relative selon les situations personnelles de chacun. Le bureau pourrait alors jouer la carte du confort pour attirer les salariés et les faire revenir sur le lieu de travail.

La notion de confort au tra­vail n'est pas nouvelle. Pour autant, après des mois de télé­travail subi, elle pourrait bien être reconsidérée par les entre­prises, et surtout, par les sala­riés. Si certains semblent trou­ver le confort nécessaire à leurs tâches au sein de leur domicile, ce n'est pas le cas de tous. Selon une étude de JPG, 80 % des sala­riés interrogés déclarent man­quer d'équipements pour leur confort de travail. « Parmi ce qui a le plus manqué aux sala­riés lors du premier confine­ment, on retrouve la chaise ergo­nomique », rappelle Alexandra Villegas-Sanne, architecte ­associée chez Studios Architec­ture. Aussi, on apprenait dans un sondage de Fellowes que 12 % des salariés français ne dispo­sant pas de bureau chez eux tra­vailler depuis leur canapé et 4 %depuis leur lit ... Si elle était plus ou moins tolérée au début de la crise, cette absence d'ergono­mie est aujourd'hui de plus en plus mal vécue. Sans oublier les logements parfois exigus, les nuisances sonores des enfants et/ou voisins, les problèmes de connexion, etc. « Selon la taille du logement ou les situa­tions familiales de chacun, le télétravail peut devenir infer­nal, commente Alexandra Vil­legas-Sanne. Le confort pourrait bien être alors un des arguments pour attirer de nouveau les colla­borateurs au bureau. C'est d'ail­leurs une des responsabilités de l'entreprise que de fournir des conditions de travail égalitaires à tous les employés sur le lieu de travail ».

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© Baptiste Lobjoy

 

Le choix de l’espace

Mais la notion de confort ne s'arrête pas au seul poste de travail ou à la posture. L'entre­prise peut également jouer une autre carte, celle de la diversité des espaces. Répondant aux différents besoins des salariés, elle participe aussi au « confort de vie » selon Kristin Gratacap, architecte designer pour Studios Architecture. « Le domicile n'est pas adapté aux différentes activi­tés de travail dans la journée. Le salarié oscille entre la salle à man­ger, la cuisine ou le coin bureau, quand il y en a un », explicite-t-elle. Au bureau, il peut décider de s'installer à un poste dans l'open space, mais aussi dans une salle de réunion connectée, dans un espace bibliothèque, une zone silence, une salle de brains­torming, etc. Pour réellement convaincre l'ensemble des sala­riés, il faudra toutefois mettre l'accent sur les espaces privatifs. En effet, dans sa dernière étude, Gensler souligne qu'en télétra­vail, les employés n'entrent pas en compétition pour l'accès aux différents espaces avec les autres employés. En revanche, sur leur lieu de travail, seulement la moi­tié des participants rapportent être en mesure de trouver un espace privatif et 57 % disent pouvoir réserver des salles closes lorsqu'ils en ont besoin. « Les espaces de travail doivent mettre en place des straté­gies qui offrent aux employés des espaces calmes et privés lorsqu'ils en ont besoin », commente Philippe Pare, le direc­teur général de l'agence Gensler France. Si la tendance de « l'ac­tivity based working » était déjà enclenchée depuis quelques années, elle devrait donc être confortée dans les futurs projets.

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© RPRIBIERE

 

« Des bureaux non plus comme à la maison mais mieux qu’à la maison »

Jusqu'à présent, les bureaux mettaient l'accent sur le « comme à la maison » avec des espaces lounges et cocooning reprenant l'idée de coins inti­mistes avec canapés, fauteuils, poufs, etc. Mais après des mois de télétravail subi à la maison, cette tendance est-elle encore souhaitable pour les salariés ? « Il va falloir créer des bureaux non plus comme à la maison mais mieux qu'à la maison!», répond Philippe Pare. « Les salariés se sont habitués ces derniers mois à s'entourer d'objets, d'acces­soires, d'éléments décoratifs qui leur permettent de se sentir bien à la maison. Il risque donc d'y avoir des attentes en termes de déco­ration lors du retour sur le lieu de travail, afin de faire en sorte de créer un deuxième chez soi, de retrouver ses repères », pour­suit-il.

Au-delà des considéra­tions décoratives et du confort physique, la notion de confort psychologique ne doit pas non plus être négligée .. Les salariés reviendront au bureau notam­ment pour y échanger, rencon­trer leurs collègues. L'aspect de sociabilisation y sera fon­damental et participera forte­ment au confort psychologique des salariés. Cela passera par l'espace qui pourra permettre la rencontre et la convivialité, mais aussi par le management et l'animation des lieux. L'enjeu, in fine, pour Kristin Gratacap, est de « réussir à créer une expé­rience mémorable en se basant notamment sur les cinq sens et en travaillant sur l'acoustique, le visuel, les interactions, etc. »

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© Baptiste Lobjoy

 

Flex office et confort sont-ils compatibles ?

Toutefois, il va également fal­loir tenir compte des impératifs financiers des entreprises ... Car la réduction des mètres carrés déjà engagée va elle aussi se confirmer au vu de la crise éco­nomique et du besoin accru de flexibilité. Comment conserver alors le « confort de vie » avec moins de surface et d'espaces disponibles ? « On peut envisa­ger de réduire l'espace pour des raisons financières ou autre mais il faut dans ce cas-là qu'il soit de meilleure qualité. Less but bet­ter ! », avance Kristin Gratacap. Conséquence de cette réduction de surface, le flex office gagne du terrain. On peut alors se deman­der si ce nouveau mode d'orga­nisation, souvent synonyme de densification et de standardisa­tion, pourra être compatible à l'avenir avec la notion de confort au travail. Une interrogation partagée par l'ergonome au CEA Alain Turchiarelli, selon qui la possibilité de personnaliser son espace est un critère important dans la notion de confort au tra­vail. « Il me semble nécessaire pour les salariés qu'ils puissent recréer leur cocon. La possibilité de personnaliser son espace par exemple participe fortement à la sensation de confort. Il faut veil­ler à ne pas enlever cette notion de confort avec le déploiement du flex office. Il y a là un vrai sujet à traiter », avance-t-il.

Qualité de l’air intérieur : nouveau point de vigilance

La pandémie actuelle a mis en lumière l'importance de la filtration et de la ventilation pour atténuer la transmission des maladies infectieuses aéroportées. Indissociables de la santé respiratoire et des performances cognitives, les niveaux de polluants dans les espaces intérieurs peuvent être jusqu'à cinq fois plus élevés que ceux en extérieur. Les études de l'Observatoire de la Qualité de l'Air Intérieur ont montré que les bâtiments de bureaux ne sont en effet pas exempts de pollution. La ventilation permet notamment de renouveler l'air intérieur. Une étude américaine révélait l'année dernière que le simple fait d'assurer des quantités minimales d'air extérieur réduisait la transmission de la grippe. Comme du Covid, selon des études plus récentes. Aussi, si jusqu'à présent, il était parfois impossible d'ouvrir les fenêtres en façades d'immeubles de bureaux, les derniers projets tertiaires font la part belle aux terrasses, patios extérieurs ... et permettent, à l'image de So Pop à Saint-Ouen, d'ouvrir quelques fenêtres. Une bouffée d'air frais bonne pour la santé et bienvenue en ces temps de confinement...

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