Quelles sont les différentes étapes du parcours des salariés de leur domicile au bureau et quels sont les impacts de chacune d’entre elles sur la satisfaction et la qualité de vie des collaborateurs ? L’acteur multi-métiers de l’immobilier professionnel Kardham s’est penché sur la question à l’occasion de son étude Parcours Urbains, sortie en octobre 2024. « Nous savons que la localisation des bureaux est une donnée essentielle pour expliquer, ou non, le retour au bureau, mais nous voulions aller plus loin, et comprendre l’ensemble des contraintes qui se présentent aux salariés », explique Nicolas Cochard, directeur de recherche et développement chez Kardham, qui a dirigé l’étude. À cette occasion, plus de 1 200 collaborateurs allemands, espagnols, français, britanniques et hollandais ont été interrogés sur les facteurs qui font leur satisfaction tout au long de leur journée de travail, de leur domicile au bureau en passant par les transports et les quartiers qu’ils traversent.
39 % des salariés se disent entièrement satisfaits de leurs conditions de travail
Parmi les trois types de confort monitorés, c’est le confort fonctionnel, influencé par les sentiments de privacité et de confidentialité qui arrive en tête avec une moyenne de 6/10, suivi du confort physique, lié à l’esthétique, l’innovation et l’ergonomie des bureaux (5,8/10). En bon dernier, le confort psychologique obtient une moyenne de 5/10. Seuls 39 % des salariés se disent entièrement satisfaits de leurs conditions de travail alors même que les entreprises et la société civile n’ont jamais autant évoqué ces sujets. « Cela nous révèle que la QVCT ne s’arrête pas aux murs des locaux, nous sommes obligés de nous demander ce qui se passe avant et après le travail et comment cela impacte les conditions de travail sur site », poursuit le Nicolas Cochard.
Les transports, principal facteur de stress des salariés
L’étude nous apprend pêle-mêle que le confort psychologique des salariés est formé entre autres de variables d’attachement et d’appartenance à l’espace de travail et culmine quand les salariés sont présents trois ou quatre jours par semaine sur site. Et sans surprise, ce sont les bureaux individuels qui remportent la palme d’or du confort. « Néanmoins, le type de bureaux est la variable qui a le moins d’impact sur la qualité de travail des salariés, nuance Nicolas Cochard. Le bureau individuel fermé augmente le score de confort et le flex office fait baisser l’ensemble des jauges, mais de manière marginale.»
Ce qui attire en revanche l’attention des chercheurs, c’est la réduction du stress dans les transports chez les salariés en flex office. « On peut imaginer que la flexibilité s’étend à leurs horaires, atténuant le stress du retard », suppose Nicolas Cochard. Et pour cause, ce sont les transports qui semblent conditionner le plus le confort des salariés. Si l’Espagne et la France sont les deux pays avec le plus de postes individuels, le stress des salariés français (5,4) est beaucoup plus important que celui de nos voisins latins (3,8). « Cela peut s’expliquer par un niveau de stress dans les transports beaucoup moins important chez les salariés espagnols interrogés. L’étude nous a révélé que les problèmes de transport jouent un rôle central dans le conditionnement des parcours urbains ». Passé trois modes différents, l'indice de stress est supérieur à 5/10 contre 4,3/10 pour les salariés n’empruntant que deux modalités de transport différentes et 3/10 pour ceux qui n’en utilisent qu’une seule. « Dans l’esprit des salariés, c’est à ce moment-là que le rapport coût/bénéfice du déplacement sur site n’est plus suffisant pour choisir d’aller travailler au bureau », alerte le chercheur.
Premiers mais pas parfaits
Malgré tout, les salariés français obtiennent parmi les scores de confort les plus élevés, ceux des autres pays européens cités dans l’étude talonnant les nôtres de près. « Des résultats qui nous ont assez étonnés, avoue Nicolas Cochard. Aujourd’hui les entreprises attribuent souvent le confort à des standards d’aménagements sans cesse plus qualitatifs. Pourtant dans une période de tension sur le marché du travail, l’étude nous permet de nous rendre compte que notre réglementation du travail ne se révèle pas seulement être une contrainte mais également un garde-fou de la qualité de vie au travail. » Une organisation que l’on pourrait appréhender comme lourde, encombrante voire entravante mais qui permet néanmoins une concertation sur l’outil de travail final que les salariés vont utiliser au quotidien ainsi qu’un minimum de confort fonctionnel.
Le score du confort psychologique largement en dessous des deux autres (5,3/10) nous indique qu’il reste du chemin à faire notamment sur le sens accordé au lieu de travail. « Nous pouvons attribuer ce score à notre géographie de bureaux caractérisée par la création de quartiers professionnels excentrés, aux bâtiments insipides moquette-grise-murs-blancs. » Même si cela ne signifie pas qu’on y travaille mal, les entreprises auraient tout intérêt à imprimer leur identité au lieu pour que le confort psychologique des salariés augmente. « L’autre variable significative qui est ressortie de l’étude c’est la typologie de quartier dans lequel les salariés seront amenés à travailler. » Si le contexte de ce dernier est trop éloigné du contexte résidentiel, le sentiment de sécurité des collaborateurs diminue au point d’altérer leur qualité de vie sur site. « Si le salarié perd son poste attribué au profit du flex office mais qu’il y gagne deux jours de télétravail et que le reste du temps il se rend dans un quartier central, accessible et sympathique, il y gagnera significativement en qualité de vie », développe Nicolas Cochard.
Devons-nous nous inspirer de nos voisins ?
En jetant un coup d’œil de l’autre côté des frontières, nous pourrions y trouver quelques bonnes pratiques pour améliorer la moyenne de 6/10 attribuée par les salariés français à leur confort au bureau. « La France pourrait piquer aux Hollandais et aux Anglais leur culture de l’enquête annuelle », conseille Nicolas Cochard. Aux Pays Bas, les salariés sont interrogés chaque année de manière quantitative et qualitative sur leurs conditions de travail, doublé d’enquêtes systématiquement réalisées après un déménagement. « En France, les entreprises ont peu cette culture. Certaines commencent à s’y mettre mais les enquêtes restent encore très basiques. Il ne s’agit pas uniquement de demander êtes-vous satisfaits, oui ou non ? » Elles sont pourtant un puissant levier de satisfaction au travail rappelle le chercheur. « Dès la première moitié du 20e siècle le psychologue australien Elton Mayo avait montré que le simple fait de faire participer les salariés, notamment via une enquête augmentait significativement la perception de la satisfaction au travail. »
Malgré son désir d’exhaustivité, l’étude fait l’impasse sur le management pourtant central dans l’évaluation de la qualité de vie au travail. « Nous avons fait le choix de ne pas l’inclure par crainte d’un biais trop important. Quand un salarié n’est pas satisfait du management, cela peut vite jouer de manière significativement négative sur le reste des variables et l’on s’éloigne de notre cœur de métier », justifie Nicolas Cochard.
Portrait-robot d’un parcours idéal
Dans leur étude Parcours Urbains, les chercheurs de Kardham se sont amusés à reconstituer une journée type d’un travailleur européen ayant toutes les conditions pour s’épanouir sur l’ensemble de son parcours.