Une étude de la Dares publiée en décembre dernier (voir encadré) lève le voile sur les conditions de travail et l’état de santé des travailleurs en open space, mode d’aménagement promu dans les entreprises afin, notamment, de favoriser la communication entre travailleurs. Mais qu’en est-il vraiment ? L’open space expose-t-il les salariés à des conditions de travail et des risques professionnels particuliers ? Quel est l’état de santé des salariés en open space en comparaison de celui des salariés en bureau classique ? Focus.
Qui sont ces travailleurs ?
Ce mode d’aménagement concernait 3,2 millions de personnes en 2019, soit deux salariés de bureau sur cinq. Au total, ils représentent 13 % de l’ensemble des salariés. Par rapport aux salariés en bureau classique, ceux en open space sont relativement plus jeunes et urbains note l’étude. Ce sont les grands établissements de plus de 500 salariés qui accueillent le plus de salariés en open space (27 % vs 20 %). Le secteur public reste quant à lui en retrait, avec seulement 12 % de ses agents travaillent dans ce type d’espace, alors que 26 % se trouvent en bureau classique. Ce type d’espace de travail favorise-t-il le télétravail ? Ces salariés le pratiquent en tout cas plus (22 %) que ceux travaillant en bureau classique (18 %).
Ils travaillent davantage en équipe (43 % contre 37 % en bureau classique) et occupent moins souvent un poste d’encadrement. Seuls 27 % des cadres travaillant en open space sont encadrants, contre 39 % en bureau classique. Ils ont par ailleurs des tâches plus télétravaillables, et le pratiquent, de fait, plus souvent.
Des conditions de travail moins bonnes…
Si les salariés en open space sont moins confrontés à la vétusté de certains bureaux classiques, leurs locaux ayant sans doute été aménagés en moyenne plus récemment que ceux en bureau classique, ils ne bénéficient pas pour autant de meilleures conditions de travail. Au contraire. Elles sont « globalement moins bonnes » que celles de leurs homologues travaillant en bureau classique. Les open spaces étant souvent des lieux clos, aérés par une ventilation artificielle, les salariés présents dans ces lieux subissent plus fréquemment une température élevée (20 % vs 18 % en bureau classique). C’est aussi un environnement plus bruyant. Ils sont par exemple un peu plus nombreux à ne pas pouvoir entendre une personne, placée à 2 ou 3 mètres, qui leur adresse la parole, ou alors seulement à condition que celle-ci élève la voix (8 % contre 6 %). L’étude estime ainsi que cela peut affecter le travail, par une distraction accrue, une intimité réduite et des difficultés de concentration. Aussi, les salariés en open space ont tendance à mettre en place des « stratégies d’adaptation » comme le télétravail afin de pouvoir effectuer leurs tâches à domicile.
Côté rythme de travail, les salariés en open space sont moins nombreux à travailler habituellement 40 heures ou plus par semaine. Ils sont également moins souvent amenés à effectuer des heures supplémentaires et à emporter du travail chez eux en raison d’un débordement et travaillent moins souvent pendant les horaires atypiques (tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et le dimanche). En revanche, ils font face à une plus grande intensité du travail. Ils doivent notamment plus fréquemment interrompre une tâche pour en réaliser une autre non prévue (77 % vs 75 %). Pour autant, ce rythme de travail plus contraint ne suscite pas un sentiment de hâte, les salariés en open space n’étant pas plus nombreux à travailler sous pression ou à être obligés de se dépêcher que ceux en bureau classique.
Ces salariés sont par ailleurs davantage soumis aux contrôles des horaires et leur rythme de travail est plus souvent imposé par un suivi informatisé (42 % vs 36 %), par des contrôles ou une surveillance permanente de la hiérarchie (22 % vs 18 %). L’étude observe ainsi que, globalement, ils disposent de marges de manœuvre plus réduites que les salariés travaillant en bureau classique.
… et un état de santé dégradé
À ces conditions de travail plus dégradées s’ajoute un état de santé moins bon que celui des salariés travaillant en bureau classique. Ils sont ainsi plus nombreux à avoir « souvent ressenti des douleurs » au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête. Les absences dues à des motifs de santé sont également plus fréquentes en open space (34 % vs 27 %). Un phénomène qui pourrait s’expliquer, d’une part, par une exposition au bruit et aux virus plus importante en open space, et d’autre part, par des facteurs de risques psychosociaux comme le manque d’autonomie. Autre constat, les salariés en open space sont également un peu plus nombreux à présenter un risque élevé de dépression.
Enfin, l’open space ne favoriserait pas le « sens au travail ». Il procure aux salariés un moindre sentiment d’utilité sociale : ils obtiennent moins de respect et d’estime pour leur travail, éprouvent moins souvent la fierté du travail bien fait (59 % contre 64 %) et le sentiment de faire quelque chose d’utile aux autres (60 % contre 67 %). Ils sont par ailleurs plus nombreux à avoir vécu durant l’année écoulée « des changements organisationnels » tels qu’une restructuration, un déménagement, un plan de licenciements, un rachat ou un changement dans l’équipe de direction (44 % vs 34 %). Ils sont aussi plus inquiets sur la pérennité de leur emploi pour l’année suivante, se sentant notamment moins capables et ayant moins envie de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite.
Si ces chiffres dépeignent un bilan négatif des conditions de travail en open space, ils sont toutefois à relativiser, la récolte des données par la Dares remontant à 2019. Et même si certains enseignements de l’étude peuvent toujours se vérifier aujourd’hui, les aménagements, et notamment ceux en open space, ont connu depuis de nombreuses évolutions et, soulignons-le tout de même, des améliorations !
Les deux études « Quels salariés exercent en open space ? » et « Quelles sont les conditions de travail des salariés en open space ? », publiées en décembre 2023, sont issues de l’enquête plus globale « Conditions de travail », portant sur 7 306 salariés en emploi de bureau et visant à obtenir une description concrète du travail, de son organisation et de ses conditions selon divers angles : horaires, rythmes de travail, pénibilité, organisation du travail, coopération, conflits, etc. Elle est réalisée tous les 3 ans depuis 2013 et alterne une focalisation sur les conditions de travail (CT 2013 et CT 2019) ou sur les risques psychosociaux (CT-RPS 2016). Depuis l’édition 2019, elle comporte une question sur le travail en open space.