Allumer son ordinateur pro aussitôt un pied sorti du lit, zapper la pause déjeuner, avoir l’impression de travailler sans interruption, se laisser envahir par les réseaux collaboratifs et ne plus réussir à se concentrer, céder à la tentation du canapé pour travailler… Pour les collaborateurs, concilier la vie professionnelle et la vie privée est un casse-tête d’autant plus important à résoudre en confinement. « D’abord, il existe un risque très important pour la vie professionnelle comme pour la vie privée car les sphères se mélangent, indique Gaetan de Lavilléon, CEO de Cog'X. Ensuite, ce risque s’accompagne d’une perte de repères, ceux liés au rythme de l’entreprise, que l’on vit assez mal. » En avoir conscience permet d’adapter au mieux son comportement pour mieux vivre son confinement-télétravail.
« Conserver des modes de travail »
Seul, en couple, en colocation, en famille, les enjeux de conciliation ne sont pas les mêmes. Lorsque le télétravail est mis en place, et c’est vraisemblablement le cas de 70 % des Français selon un récent sondage Deskeo, il est plus que jamais nécessaire de s’instaurer une discipline pour se protéger et sauvegarder sa capacité à travailler. « Les collaborateurs sont en situation de télétravail dégradé mais il faut pouvoir conserver des modes de travail. Cela ne va pas de soi, bien sûr », concède Gaetan de Lavilléon, de Cog’X. Comme le montre l’enquête de la Dares publiée en novembre 2019, les télétravailleurs travaillent (en temps normal) en moyenne 35 minutes de plus par semaine que leurs homologues au bureau. Mais sur la durée, attention… Plusieurs semaines de télétravail intensif vont avoir des conséquences sur l’engagement et la manière de collaborer. « En situation de perte de rituels, nous avons tendance à travailler encore plus, indique le CEO de Cog’X. Des mécanismes pouvant être contre productifs pour les autres se mettent en place, comme un besoin permanent de prouver que l’on travaille chez soi. Il se manifeste en sollicitant davantage les collègues sur les réseaux ». Ce qui, à terme, empêche tout le monde de travailler…
La vie professionnelle est également challengée par le fait qu’un grand nombre de contraintes domestiques ou liées à l’organisation des autres personnes avec qui on est confiné, freinent l’activité. Ce qui peut aboutir à des pensées type « je n’arrive plus à aller au bout de mes actions », « je suis incapable de me concentrer », « je n’y arriverai pas » qui peuvent générer une diminution de la motivation et une perte de confiance en soi. Aller chaque jour au bureau, discuter de manière informelle autour d’un café avec ses collègues, poser une question anodine dans l’espace de travail, organiser une réunion spontanée pour traiter une urgence sont des petites actions a priori anodines mais qui structurent et aident à séparer les temps de vie. Ne plus sortir, rester chez soi, travailler seul ou à côté de ses proches peut donc s’avérer extrêmement déstabilisant.
« Il est bon de préserver un mode de vie le plus proche possible de celui d’avant le confinement »
Jérôme Balladin, président de l’Observatoire de la QVT
Pour Jérôme Balladin, président de l’Observatoire de la QVT, « il est bon de préserver un mode de vie le plus proche possible de celui d’avant le confinement. Continuer, par exemple, à faire des choses que l’on appréciait avant d’aller au travail ou en rentrant, comme de la gym, de la lecture, de la médiation. Si on est amateur de cinéma, sélectionner des films à la télévision ou sur Internet grâce aux offres actuelles. Il faut préserver autant que possible le même type de séquences et les horaires de travail habituels. »
Créer des rituels
Comment réussir, concrètement, à télétravailler sans étouffer ? Et surtout, à tenir sur la longueur ? Gaetan de Lavilléon donne quelques conseils. « Le fait de créer des rituels de temps, d’espaces, comportementaux, comme lorsqu’on allait au travail, passe par prendre un café collectivement le matin pour débuter la journée sur des outils collaboratifs de travail à distance, bloquer des créneaux pour telle ou telle tâche et s’y tenir, avoir un agenda strict, se laisser des plages où les réseaux sont totalement déconnectés pour préserver la concentration… Le mieux est de prévenir son équipe de son organisation, afin que tous soient au courant et perturbent le moins possible le rythme des uns et des autres ». Sans oublier de prendre l’habitude de ranger et de déconnecter les accès en fin de journée pour signifier l’arrêt du travail. La déconnexion (un droit qui s’applique aussi aux télétravailleurs !) est en effet d’autant plus importante en période de confinement. Cela passe notamment par des pauses régulières (au moins 15 minutes toutes les deux heures hors du poste de travail), une vraie coupure pour le déjeuner et un arrêt total de l’activité professionnelle à une heure fixée.
De son côté, Jérôme Balladin met l’accent sur la prise de recul et « la mise en place de régulations dans le foyer ou de l’introspection si l’on vit seul ». Faire, en quelque sorte, chaque jour un débrief de sa journée. « Il faut se réguler, à la manière d’une équipe, sur la façon dont s’est déroulée la journée et sur comment on envisage celle du lendemain. Il ne faut surtout pas garder les choses pour soi, accumuler et exploser soudainement. » Cette discipline à adopter seul ou à plusieurs est primordiale : « nous tournons très vite en rond en confinement. Le principal est de s’écouter, de s’interroger sur ce qui est bon et important pour nous, et se mettre des limites, notamment sur la partie travail. » Tout faire, en somme, pour ne pas subir une journée mais plutôt garder le contrôle…
Le rôle primordial des managers
Pour y parvenir, tant sur le volet vie professionnelle que vie personnelle, le management joue un rôle clé auprès des collaborateurs. « C’est au manager d’avoir un dialogue avec chacune et chacun. Proposer un accompagnement et une écoute empathique de l’autre est primordial dans cette situation, autant que l’indulgence et une communication plus positive que d’habitude », affirme le président de l’Observatoire de la QVT, qui invite au passage à éviter les messages anxiogènes. Le mot d’ordre : « rassurer, afin que les salariés se sentent dans un univers bienveillant. »
Enfin, dans les cas où le télétravail serait toutefois trop difficile à mettre en place (notamment avec des enfants en bas âge), le salarié pourra avoir recours aux mesures proposées par le gouvernement, à savoir le chômage partiel ou l’arrêt pour garde d’enfants. Et cela, à n’importe quel moment, en faisant part à son entreprise de ses difficultés.
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