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Ce mardi 23 janvier, la Cnil a annoncé avoir condamné Amazon France Logistique à une amende de 32 millions d’euros. Pour l’autorité de contrôle, le géant du commerce en ligne a mis en place un système de surveillance des salariés « excessivement intrusif » que ses objectifs de performance ne suffisent pas à justifier.

La fin ne justifiait pas autant de moyens. C’est le sens de la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui a annoncé, ce mardi 23 janvier, avoir sanctionné Amazon France Logistique (AFL) d’une amende de 32 millions d’euros pour son système de surveillance des salariés « excessivement intrusif ». Trois indicateurs mis en place par Amazon et liés aux scanners confiés aux salariés étaient dans le viseur de l’autorité de contrôle : le « Stow Machine Gun » repérait un article scanné trop vite (en moins de 1,25 seconde), l’« idle time » signalait un scanner inactif plus de dix minutes et un troisième indicateur identifiait des interruptions d’une à dix minutes. Ce dernier mesurait même le temps écoulé entre le moment où l’employé badge à l’entrée du site et celui où il scanne son colis.

Sans contester l’existence même de méthodes de suivi d’activité, la Cnil considère que les outils de l’entreprise chargée de gérer les grands entrepôts d’Amazon en France conduisaient à « un suivi très resserré et détaillé du travail des salariés », exerçant « une pression continue » sur eux. Pour l’autorité de contrôle, conserver autant d’indicateurs statistiques est « globalement disproportionné » et porte atteinte au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). La sanction vise également le fait pour AFL de ne pas avoir suffisamment informé ses employés et les visiteurs extérieurs de son système de vidéosurveillance.

La Cnil rend ici une décision forte et qui fera date pour les entreprises dont les activités recouvrent un important volet logistique. Un équilibre doit être trouvé entre le besoin légitime d’optimiser ce volet – au travers notamment d’outils de suivi précis - et le recueil de données personnelles que ce besoin entraîne. Or pour le régulateur des données personnelles, la filiale d’Amazon a rompu cet équilibre. Le géant américain a réagi en indiquant sur son site être « en profond désaccord » avec les conclusions de l’instance. Tout en justifiant ses méthodes par le fait que « les systèmes de gestion d’entrepôt sont une pratique courante de l’industrie », il confirme avoir désactivé l’indicateur signalant des articles scannés trop vite et précise avoir étendu le seuil de surveillance d’un autre indicateur de 10 à 30 minutes.

Amazon se réserve toutefois la possibilité de saisir le Conseil d’Etat pour contester cette décision. Il s’agit en effet d’une amende « quasiment sans précédent » comme le reconnaît lui-même le régulateur des données personnelles auprès de l’AFP. Facteurs aggravants, l’instance de contrôle souligne que la surveillance affectait plusieurs milliers de salariés et « participait directement aux gains économiques » de l’entreprise, lui donnant même « un avantage concurrentiel » dans le secteur de la vente en ligne. Plus qu’un garde-fou dans l’usage des données personnelles, le RGPD contribue de manière inattendue à lutter contre la dégradation des conditions de travail d’employés exposés à des cadences infernales.