Après un passage dans l’armée de l’air, Thierry Allio a changé neuf fois de métier avant de devenir responsable France des services généraux, de la sécurité, des achats et de la sûreté du groupe Prévoir. Depuis mai 2021, il gère les 150 sites du groupe dont plus de 90 % sont situés en province, parfois dans des petites villes où la notion de services prend une autre dimension. Rencontre avec un touche-à-tout.

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L’environnement de travail, hasard ou vocation ?

Après un long parcours comme ingénieur télécom chez Ericsson, je suis parti en tant que chef de projet en Nouvelle-Calédonie, un poste complexe pour lequel je me devais d’être multitâche. En revenant en métropole, j’avais la volonté de garder cette diversité d’actions et je me suis alors dirigé vers les services généraux. Je suis devenu directeur immobilier et facility management France chez Ericsson. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à gérer les questions de sécurité, de sûreté et de gestion immobilière et que l’environnement de travail est devenu une vocation. Depuis mai 2021 je m’occupe des services généraux sur l’ensemble du territoire mais aussi des questions immobilières de tous les sites de province du groupe Prévoir. J’ai également la charge de la sécurité, de la sûreté physique ainsi que de 80 % des achats de l’entreprise.

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?

Nous sommes en cours de rénovation d’un des bâtiments du siège parisien qui réunit 100 postes de travail. Les premières livraisons sont prévues pour février 2023 et les salariés devraient s’y installer d’ici fin mai.

Avez-vous une journée type ?

Mes journées ne se ressemblent jamais, à ceci près qu’elles semblent toujours trop courtes. Dès mon arrivée, j’enlève mes bottes de moto, je branche mon PC et je vais boire un café avec mes équipes. Les sujets commencent souvent déjà à pleuvoir. Les journées les plus compliquées sont paradoxalement celles où mon agenda n’est pas trop rempli, je suis alors plus disponible pour répondre aux sollicitations et je cours partout. Pour me soulager dans certaines tâches et faire croître mes équipes en autonomie, j’accompagne la formation de managers opérationnels. Le but est de leur donner la charge de certains sujets pour me libérer du temps et ainsi gagner en efficacité sur d’autres sujets plus structurants. Nous avons aussi mis en place la solution de MerciYanis pour gérer les demandes et les remontées d’informations qui nous arrivent désormais sous forme de tickets. Un projet qui a mis du temps à se mettre en place mais grâce auquel nous avons significativement gagné en efficacité.

Quelles sont vos missions au quotidien ?

L’entreprise est divisée en 147 sites, dont 137 en province, souvent de petits sites situés dans des sous-préfectures. La gestion de chaque site est donc particulière, impossible dans ces conditions de compter sur l’effet volume qui permet de mutualiser les interventions et de limiter les interlocuteurs via un contrat FM. Il faut avouer que c’est parfois assez rock’n’roll de trouver des plombiers disponibles pour une intervention urgente à Brioude ! De plus, les équipes environnement de travail sont basées à Paris et même si elles sont mobiles et se déplacent souvent, nous devons parfois missionner des salariés tiers en région pour nous suppléer. Autre spécificité du groupe, la fonction courrier mobilise, à l’image de nombreuses entreprises d’assurance, la moitié des effectifs de la direction. Pas moins de 25 personnes s’attellent à imprimer et gérer l’ensemble des documents commerciaux et contractuels, numériser les 1 000 courriers client reçus chaque jour.

Que préférez-vous dans votre travail ?

Sans hésiter, la diversité des missions : la revue de contrats pour des prestations, les problématiques liées à la gestion de la flotte auto, la résolution des problématiques communes avec la direction des systèmes d’information, etc. J’apprécie particulièrement la préparation des dossiers de certification, je suis même devenu auditeur certifié ISO 27 001. Pour obtenir une certification, il est nécessaire de mettre en place des bonnes pratiques et des améliorations continues. Elles ne sont pas toujours visibles et ne révolutionnent pas à chaque fois le quotidien des utilisateurs mais elles ont souvent un impact significatif sur l’environnement de travail. Je me souviens que le siège d’Ericsson restait allumé toute la nuit à cause d’un simple mauvais réglage. Les lumières s’éteignaient 30 minutes après le passage du gardien… qui réalisait une ronde toutes les heures. La minuterie a été réglée pour éteindre les lumières en 5 minutes et la consommation électrique du bâtiment a baissé sans que personne ne s’en aperçoive. Parfois nous menons aussi des actions plus insolites, comme l’installation de ruches. J’apprécie particulièrement cette variété.

Comment décririez-vous l’environnement de travail idéal ?

J’ai une préférence pour des espaces de travail en flex office avec un faible taux de bureaux nominatifs. J’estime que venir au bureau pour réaliser des tâches que l’on peut faire à la maison, c’est inutile. Aujourd’hui, les salariés viennent pour échanger, partager et renforcer leur appartenance à l’entreprise. Les chiffres semblent aller dans mon sens puisque les entreprises sont passées de 10 % d’espaces partagés à parfois plus de 70 %. Je ne serais pas surpris que le ratio atteigne les 80 % voire 90 % à l’avenir. Il ne faut tout de même pas tomber dans l’excès inverse. Souvent les entreprises cherchent à compenser les faiblesses RH par des baby-foots ou des consoles de jeux. Même s’ils permettent d’adoucir le quotidien, c’est surtout la qualité du management et l’ambiance qui incitent les employés à se rendre sur leur lieu de travail.

Quels sont vos prochains projets ?

Nous avons lancé un travail de réduction des consommations de chauffage et d’électricité sur l’ensemble du réseau. C’est un projet au long cours, nous avons besoin d’un an rien que pour réaliser l’état des lieux des 150 sites.

Et le projet que vous aimeriez mener ?

J’aimerais bien lancer une démarche de certification Breeam (Building Research Establishment Environmental Assessment Method, standard de certification britannique relatif à l’évaluation environnementale des bâtiments) en exploitation et obtenir une certification ISO 27 001. Mais pour cela, l’ensemble de la stratégie de l’entreprise doit être engagé, et ce n’est pas encore le cas.

Si vous n’aviez pas fait ce métier, qu’auriez-vous fait ?

J’aurais pu, par exemple, rentrer à la DSI après mon retour de Nouvelle-Calédonie. Et si l’occasion se présente de tester encore de nouveaux métiers avant la fin de ma carrière, je ne me ferme pas de portes. J’ai changé neuf fois de profession, en commençant par les radars de contrôle aérien à 20 ans jusqu’à directeur de l’environnement de travail chez Prévoir aujourd’hui. Chaque changement m’a apporté beaucoup de satisfaction et des victoires personnelles. Je sais également qu’il y a des métiers que je n’aurais pas pu faire, je n’ai pas la fibre commerciale et je n’aurais certainement pas pu devenir ballerine.

Comment voyez-vous votre métier dans 10 ans ?

J’espère que les compétences autour de l’environnement de travail seront plus reconnues qu’aujourd’hui. Nous sommes reconnus pour notre sourire mais pas assez pour nos compétences techniques. Quand on jongle au quotidien avec beaucoup de demandes et des sujets très variés, certains ne se focalisent que sur leurs problématiques ce qui donne parfois l’illusion d’une simplicité. Il nous faut donc montrer et convaincre de la technicité de nos métiers. Pour cela, nous devrons d’abord apprendre à communiquer mieux et plus souvent. Dans les formations, ce volet communication reste trop peu développé.

Malheureusement, je ne pense pas que le métier évoluera vers une préoccupation constante des certifications. Sur un autre registre, je pense que le métier va se scinder en deux, avec d’un côté les entreprises propriétaires qui transformeront les bâtiments tertiaires en zones presque hôtelières avec des préoccupations plus importantes sur l’hospitality et l’happiness management. Mais cela ne concerne que celles qui ont le plus de moyens. Pour les 80 % restant le métier devrait évoluer dans un cadre plus stable avec la gestion multitechniques d’un côté et multiservices de l’autre, concomitante à une baisse du recours aux FMers, pour tendre vers un meilleur équilibre entre les deux. Il existe aussi le cas plus extrême des entreprises sans bureaux en propres. Dans une entreprise qui n’existe que sur le papier, les ressources humaines peinent à maîtriser les équipes qui doivent tôt ou tard se réunir physiquement pour travailler ensemble. Ce modèle ne semble donc pas être amené à durer. Je pense qu’il restera nécessairement une partie physique du bureau même si le digital prend de plus en plus de place.

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