Comment la question de la connectivité est-t-elle appréhendée dans le tertiaire ?
Même si les grands acteurs de la filière reconnaissent le caractère nécessaire de l'accès Internet, ils ont souvent tendance à assimiler la connectivité d'un immeuble à une simple commodité. Or, il est question aujourd'hui d'un service absolument crucial pour toutes les entreprises, impliquant des enjeux qui vont bien au-delà du simple accès à Internet. La connectivité numérique, considérée comme le 4e fluide d'un immeuble après l'eau, l'électricité et le gaz, constitue un enjeu vital. À la différence des autres fluides, le service« connectivité» rendu par les opérateurs est loin d'être uniforme et la complexité de l'offre peut laisser perplexe, en particulier pour les entreprises. Les opérateurs immobiliers raisonnent parfois comme des particuliers à l'égard de leur accès à Internet. Or, quand une mauvaise connectivité dans les foyers engendre le plus souvent un agacement, elle se chiffre, pour une entreprise, à une perte substantielle de chiffre d'affaires et une dégradation de sa compétitivité. Selon la société Ontrack, spécialisée dans la sauvegarde de données, une heure d'interruption d'un site Internet génère des pertes financières de 6,5M€ pour une banque en ligne, 2,6M€ pour un système d'autorisation de cartes de crédit, 110 000 € pour une entreprise de vente par correspondance et 90 000€ pourune centrale de réservation de billets d'avion. Et il n'est là question que d'une heure ... Dans ce monde de data, la qualité de la connectivité numérique devient de plus en plus cruciale. Les nouveaux usages nécessitent non seulement un débit toujours plus élevé mais surtout une sécurisation accrue des liens Internet, quelle que soit la taille de l'entreprise.
Les entreprises sont-t-elles bien équipées aujourd'hui?
La plupart des besoins de connectivité sont satisfaits à l'heure actuelle par une connexion via la fibre optique. La majorité des entreprises, en tout cas quand elles dépassent une certaine taille, contractualisent auprès de leurs fournisseurs des offres auxquelles les particuliers n'ont pas accès. Très souvent, il s'agit d'offre de fibre dédiée garantissant un bon débit. Mais il n'est pas toujours possible de sécuriser cet accès fibre, faute d'un 2ème point d'entrée dans l'immeuble par exemple. Par ailleurs, la connectivité mobile (2G, 3G, 4G, etc.), à privilégier pour les appels car plus qualitative, pose problème. Les immeubles neufs ou rénovés sont de plus en plus isolés, ce qui est évidemment une bonne chose d'un point de vue thermique. Cependant, cela a un effet pervers et empêche également les ondes de traverser les bâtiments car les fenêtres intègrent désormais des composants métalliques qui les bloquent. On estime ainsi que moins de 1 % des immeubles sont dotés d'une solution de couverture mobile à l'intérieur de l'immeuble.
L'immeuble de bureaux IRO à Châtillon, détenu par Covivio, vient d'être labellisé WiredScore Gold. © DR
Après le bien-être physique ou sensoriel des collaborateurs, on entend parler de plus en plus du bien-être numérique. D'où cela vient et qu'est-ceque cela englobe?
Notre constat est simple : le numérique est un nouveau besoin anthropologique pour l'espèce humaine et spécifiquement ceux qui travaillent. Aujourd'hui, une grande partie de nos interactions sociales se font à distance et Internet est devenu la principale source d'information. L'absence de connectivité coupe du monde extérieur et peut être une source de rustration énorme lorsqu'elle disparaît. Le confort ou bien-être numérique procuré par es immeubles de bureaux et les opérations immobilières en général devient alors une nécessité. Dans ce domaine, le premier des conforts est que ce soit transparent et fluide, que le collaborateur n'ait même pas à se poser la question d'être connecté ou pas. Ensuite il y a la question de la sécurisation. Il s'agit d'une fonction fondamentale qui participe au bien-être, tout comme le fait de se sentir en sécurité dans un immeuble. Enfin vient l'enjeu sanitaire et l'exposition aux ondes.
Justement, n'y-a-t-il pas un risque de surexposition aux ondes à l'heure où la digitalisation s'accélère?
Une connectivité bien pensée, bien planifiée est plutôt de nature à réduire l'exposition électromagnétique des êtres humains, même si cela revient parfois à mettre des antennes à l'intérieur. C'est le même principe que pour l'éclairage : on peut opter soit pour un gros spot qui éclaire toute la pièce mais qui a l'inconvénient d'éblouir les occupants, ou on peut disséminer plusieurs points lumineux, à faible puissance, qui éclairent tout aussi bien voire mieux et n'éblouissent pas. C'est exactement le même principe pour les réseaux mobiles. On peut avoir l'impression qu'en intégrant des antennes émettant un signal radio à l'intérieur de l'immeuble nous allons être plus exposés. En réalité, cela peut être un critère pour maitriser le niveau d'exposition autour de l'antenne en ajustant sa puissance et le nombre d'antennes qu'il faut pour ne pas dépasser un certain niveau d'émissions. Surtout, cela a le mérite de réduire la principale source d'émission d'exposition électromagnétique : le téléphone. Car il n'y a rien de pire en termes d'émissions qu'un téléphone au creux de l'oreille cherchant à capter péniblement un réseau qui est loin. Donc mettons le sujet sur la table et trouvons les solutions pour être connecté dans les meilleures conditions.
Lifi, 5G ... De nouvelles technologies font leur entrée sur le marché de la connectivité. Quel intérêt et avenir pour elles dans le tertiaire ?
Chaque décennie a son lot de nouvelles technologies ... La 3G a marqué les années 2000, la 4G les années 2010. La 5G devrait donc naturellement marquer les années 2020. Parmi ses atouts, un débit équivalent à celui de la fibre optique et une capacité à connecter énormément d'objets. Toutefois, le fait de ne pas capter à travers les fenêtres sera d'autant plus vrai avec la 5G. Il faudra prévoir 3 à 4 fois plus d'antennes pour couvrir le territoire! Quant au Lift, il s'agit d'un sujet de veille technologique. Il est pour l'heure encore réservé à des usages très confidentiels, là où le besoin de sécurité est important. Les cas d'usage dans le tertiaire n'ont pas encore réellement été trouvés et une adoption par le grand public n'est pas envisageable avant 2024. Ce sont des pistes intéressantes mais encore expérimentales.