La pandémie confère une importance nouvelle à la problématique de la qualité de l’air des bureaux. Si une grande variété d’acteurs et de solutions technologiques se disputent un marché encore naissant, celui-ci reste avant tout guidé, en l’absence de réglementation contraignante, par le volontarisme des entreprises. Le FMer, en tant que gestionnaire du bâtiment, pourrait bien se révéler être un acteur clé.

 Qualité de l’air intérieur, nouvel enjeu sanitaire pour le FM ?

La crise sanitaire a sans conteste remis le sujet de la qualité de l’air intérieur au cœur des attentions. Si les écoles semblent avoir emboité le pas, s’équipant les unes après les autres en capteurs de CO2 et purificateurs d’air pour lutter contre le virus dans les salles de classe, les entreprises pourraient bien suivre. Elles y attachent aujourd’hui « une importance accrue », note David Ernest, directeur développement et innovation chez Vinci Facilities. « Les directions de l’environnement de travail se sentent concernées par la qualité de l’air pour éviter les contaminations », confirme Guillaume Blanc, cofondateur de MerciYanis, une start-up toulousaine qui a développé un logiciel de gestion numérique des services généraux d’un bâtiment. En effet, la pandémie l’a rappelé : la qualité de l’air intérieur (QAI) a un impact direct sur la santé des collaborateurs, notamment au niveau de la transmission de virus (le SARS-CoV2 peut par exemple rester en suspension dans l’air à l’intérieur des locaux sous forme d’aérosols, en particulier dans les espaces clos mal ventilés). Aussi, depuis le début de la crise sanitaire, et surtout depuis le retour progressif des salariés en entreprise, Guillaume Blanc constate une hausse régulière de la demande. « Jusqu’à début 2020, les entreprises s’intéressaient surtout à la température et au taux d’humidité pour des raisons de confort des collaborateurs. Elles se tournent maintenant vers des capteurs plus complets, capables de mesurer les taux de CO2» Le taux de CO2 étant un bon indicateur du nombre de personnes présentes dans une pièce, des capteurs de CO2 peuvent en effet venir remplacer les capteurs de personnes. Le suivi de l’occupation permet alors de piloter la qualité de l’air grâce à des purificateurs d’air déclenchés de manière ciblée. « Comprendre l’occupation des espaces en temps réel pour anticiper et combattre la propagation des virus par la purification de l’air me semble être beaucoup plus efficace », explique Côme Pinchart, directeur commercial chez Z#bre, société spécialisée dans l’Internet des objets et ­l’intelligence artificielle.

Le FMer, acteur de la qualité de l’air intérieur

Pour aider les entreprises dans leur démarche d’optimisation de la qualité de l’air, la plupart des FMers intègrent déjà diverses dispositions spécifiques (mesure annuelle des débits d’air, contrôle triennal des circuits aérauliques…) dans leurs contrats de maintenance. Vinci Facilities propose par exemple à ses clients des dispositifs de monitoring, de filtration complémentaire ou encore de systèmes de purification de l’air localisés. Des contrôles ponctuels et de levée de doute sont par ailleurs réalisés par sa filiale spécialisée Greenaffair avec ses propres équipements et ses procédures de métrologie. Après analyse des dispositifs de mesure existants (comme par exemple, des détecteurs de CO2), des équipements permanents et complémentaires peuvent être proposés au client. Selon Rémy Saudino, en charge du département Monitolab chez Greenaffair, une dizaine de capteurs connectés suffiraient à couvrir un espace de 10 000 m2. « Leur positionnement dépend de la ventilation du bâtiment », précise-t-il. Les données produites, qui restent la propriété du client, sont ensuite exploitées par le FMer en vue de différents plans d’actions : travaux, mode de gestion, sensibilisation des utilisateurs… « Les données collectées permettent par exemple d’augmenter les débits ou de passer en tout air neuf, illustre Rémy ­Saudino. On peut aussi jouer sur la programmation en fonction des taux d’occupation observés et sensibiliser sur les usages. »

Veolia MIB (Maintenance environnementale Industrie Bâtiment) propose de son côté, via OFIS, un service Air Control. Ce dispositif comprend des capteurs capables de mesurer les concentrations en dioxyde de carbone et particules fines afin d’alerter les occupants sur la nécessité de ventiler un espace. Leur positionnement dépend de la configuration des lieux et des buts poursuivis. « Un capteur de CO2 coûte 500 euros pièce, rappelle Jean-Charles Ponelle, responsable développement et qualité de l’air chez Ofis. Une stratégie d’échantillonnage est nécessaire pour obtenir des mesures efficaces et fiables dans le temps. » L’obtention d’un signal homogène implique de placer les capteurs aux points névralgiques des bâtiments. Un service Air Performance prend ensuite le relais pour piloter et optimiser les installations et ainsi garantir la bonne qualité de l’air des bâtiments. « On observe une gradation des besoins de nos clients, explique Yann Bodennec, directeur adjoint performance et supports aux opérations chez Veolia SEI. Les entreprises veulent savoir si elles conservent leurs installations ou doivent les améliorer. » Dans un troisième temps, le FMer, via un dispositif intitulé Air Human, propose des informations en temps réel afin d’impliquer toutes les parties prenantes – direction comme salariés – sur la ­qualité de l’air.

Quid de l’efficacité ?

Certains acteurs tendent quant à eux à privilégier le traitement préventif des flux d’air, tel Spie Facilities. Partant du principe qu’il est impossible de complètement monitorer la qualité de l’air, la solution Air News Blue de Spie Facilities repose sur la décontamination des flux d’air par un passage forcé sous le rayonnement de lampes à technologies UV-c. Le système peut être installé sur les centrales de traitement d’air et les cassettes plafonnières. Il détruit « 99,999 % des micro-organismes, virus, germes et bactéries contenus dans la veine d’air traité », selon Spie Facilities. « Associée à nos prestations d’exploitation des systèmes de ventilation, dans le respect des normes, cette solution permet de désinfecter l’air dans tous types de bâtiments », explique Daniel Berger, responsable innovation et services chez Spie Facilities.

Si chacun opte pour sa propre méthode, la multiplicité des offres gagnerait néanmoins à être davantage encadrée selon Thierry Perlant, expert salles propres, hygiène et environnements maîtrisés, et président-fondateur d’In Situ Environnement. « Il serait judicieux d’associer aux validations effectuées en laboratoire une validation par des experts indépendants de l’efficacité des purificateurs d’air en situation réelle, estime-il. La fonctionnalité expérimentale n’aboutit pas toujours à une efficacité en environnement de travail. Il manque aux acteurs un accompagnement et un conseil pour éclairer leur choix. »


L’info en +
​​​​​Une nouvelle étude menée par des scientifiques d’Harvard démontre que la qualité de l’air dans un bureau peut avoir un impact significatif sur les capacités cognitives des employés, y compris pour se concentrer.

Une démarche encore volontariste

Reste à voir également si les entreprises s’empareront réellement du sujet dans les années à venir, et ce sur le long terme. « Dire aujourd’hui que les entreprises ont une approche systématique de la qualité de l’air est prématuré, abonde Thierry Perlant. Elles s’intéressent encore essentiellement aux seuls aspects techniques. » Selon lui, les technologies aujourd’hui déployées dans les entreprises sont avant tout une « réponse épidermique à la crise sanitaire ». Et même si des labels tendent à intégrer la notion de qualité de l’air intérieur dans les bureaux et offrent des pistes d’évolution intéressantes, à l’image de Well, HQE ou encore Breeam, ils n’en demeurent pas moins facultatifs. « Hormis les normes B44-200 et NF EN 16846-1, qui encadrent les méthodes pour tester et valider les purificateurs d’air, il n’existe pas de réglementation relative à la qualité de l’air intérieur dans les environnements tertiaires et privatifs », ajoute-t-il. À défaut de réglementation contraignante, « le monde de l’entreprise reste globalement, pour l’heure, dans une démarche volontariste », concède Guillaume Blanc de MerciYanis.

L’intelligence artificielle en renfort

En 2020, EDF et la société d’investissement immobilier Covivio se sont associés pour lancer un appel à projets sur le thème de la qualité de l’air intérieur. Les deux partenaires ont mis en place l’Air Quality Challenge, appel à projets de solutions innovantes répondant aux enjeux de la qualité de l’air intérieur. « L’un des enjeux du challenge était de trouver des solutions pour améliorer la qualité de l’air intérieur sans dégrader la consommation énergétique », explique Philippe Boyer, directeur innovation et relations institutionnels chez Covivio. En décembre 2020, deux lauréats ont été retenus pour tester leurs solutions sur des immeubles du patrimoine Covivio et EDF. La particularité ? Tous deux ont recours à l’intelligence artificielle. La start-up Octopus Lab anticipe les pics de pollution intérieure et les évite en pilotant la ventilation grâce à un moteur de calcul de la chimie de l’air intérieur et des algorithmes d’intelligence artificielle analysant les données de qualité de l’air en temps réel. L’autre lauréat, Enerbrain, propose le contrôle optimisé du chauffage, du refroidissement et de la ventilation grâce à l’utilisation d’une intelligence artificielle avancée.

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