picture Workplace Magazine n°269
© Gispen / Chris Van Koeverden
Dans un monde volatile et incertain, les entreprises doivent acquérir de nouvelles compétences, introduire de nouveaux modes de travail plus agiles et plus collaboratifs. Le nouveau credo est à la transformation ! En douceur ou radicale : différents espaces peuvent l’accompagner.

Sur le front de l’espace, la mise en place de labs, d’accélérateurs et autres hubs d’innovation bat son plein, sans que l’on comprenne toujours la finalité des activités qui y sont menées et la capacité de ces dispositifs à amener une transformation à grande échelle. Passée l’excitation du premier hackathon, les comités de direction (re) prennent de la hauteur. Il s’agit bien d’élaborer une nouvelle vision, de nouveaux modèles économiques, mais surtout de créer les conditions de la performance et d’embarquer l’ensemble des collaborateurs dans la transformation du métier. L’environnement de travail au sens large – nouveaux modes de travail et de management, formes organisationnelles, technologie, espace – est au service de la création de valeur ajoutée et devient un outil stratégique dans l’atteinte des objectifs. À condition de se poser les bonnes questions… Quel est votre métier ? Quels sont vos objectifs ? Quels défis économiques, écologiques, culturels et sociétaux souhaitez-vous relever ? Quel rythme de transformation souhaitez-vous mener ? La souhaitez- vous graduelle ou radicale ? Progressive ou fulgurante ? En fonction de la réponse, l’espace à mettre au service de la transformation sera différent…

 

 

L’espace projet pour une métamorphose progressive

ne suffit pas de mettre des canapés rouges, une zone de coworking, un baby-foot, un toboggan ou quelques casques de réalité virtuelle. Une débauche d’écrans ou de tablettes ne rend pas instantanément le collaborateur ou l’équipe plus performants. La transformation des états d’esprit et l’acquisition de nouvelles compétences comme la créativité et la résolution de problèmes complexes requièrent formation, efforts et patience. De nombreuses entreprises iconiques à travers le monde associent à la mise en place d’espaces- projet, des programmes RH dits « d’Impact Majeur ». Elles expérimentent notamment de nouveaux modes de travail, de nouvelles formes organisationnelles, collaboratives, agiles et efficientes, ainsi que de nouvelles technologies. L’Impact Majeur est LA prochaine action qui doit vous permettre d’atteindre votre objectif. Pour ce faire, les personnes, les équipes et les organisations doivent apprendre à appliquer trois principes fondamentaux : la liberté d’action, la concentration des efforts et l’optimisation des ressources.

Cela dit, l’espace aura également un rôle à jouer dans la transformation d’une organisation. Dans le cadre d’une métamorphose graduelle, d’une démarche disruptive mais en douceur, l’espace de travail le plus adapté sera l’espace-projet. C’est aujourd’hui le plus couramment rencontré. La co-construction d’un tel environnement de travail n’excède pas dix semaines et se fait avec les partenaires sociaux et toute partie prenante. Elle est évidemment indissociable d’une démarche RH et managériale (y compris en termes de formation des salariés). Ces espacesprojet sont co-construits avec les futurs utilisateurs dans une démarche accélérée – Design Sprint – en trois temps : atelier de recueil des attentes et d’inspiration, atelier de codesign à partir de pré-maquettes, puis atelier de convergence sur le concept d’aménagement final. Les collaborateurs prennent conscience du rôle de l’espace dans la performance et l’efficacité, ils deviennent co-acteurs de la solution. Il s’agit bien de susciter l’engagement, l’adhésion et l’appropriation. La vision claire et partagée du projet (À quoi sert la mise en place d’un espace-projet ? Quelles sont les conditions qui permettent aux personnes et aux équipes d’être agiles, innovantes et performantes ?) a été posée au préalable par le comité de direction. L’optimisation des surfaces ou l’espace ouvert n’est plus un débat.

 

Dans un centre des futurs, les espaces avec forte hauteur sous plafond sont dédiés au décadrage et à la divergence. D’autres espaces plus confinés facilitent la convergence, le consensus et la prise de décision pour une mise en action collective efficace et rapide.

 

Espaces de décision, d’attention ou de crise

L’espace-projet ainsi « co-créé » est issu d’une véritable programmation d’usages, avec une optimisation tangible des coûts et une intégration à l’état de l’art de toutes les contraintes normatives, architecturales et techniques. Sur un même plateau, différents types d’espaceprojet coexistent en fonction des métiers et des processus : une équipe de développement n’aura pas le même espace-projet qu’une équipe de reporting ou de R&D. Outre l’équilibre entre interaction et concentration, les relations interpersonnelles, inter-équipes et intraéquipe seront stimulées par le partage d’espaces spéciaux favorisant la créativité et la sérendipité. Parmi ces espaces, on trouve notamment les espaces de décision, les espaces d’attention, les espaces de crise, les espaces briefing, les espaces d’idéation et les espaces d’analyse et de traitement massif de données, ainsi que les « passerelles de commandements » (les nouveaux espaces de leadership). Ce type d’environnement de travail est un catalyseur. Les équipes sont dotées de tous les moyens pour résoudre des problématiques lourdes et mener des projets complexes dans des délais serrés, élargir leur vision et accroître leurs capacités d’exécution.

 

Innovation de rupture, disruption et mutation radicale !

Mais pour les entreprises plus pressées de se transformer, celles en quête d’une véritable rupture, d’autres types d’espaces sont plus adaptés. À l’instar des centres des futurs, qui nous viennent tout droit du nord de l’Europe. Ces derniers ont vocation à relever des défis économiques, écologiques, culturels et sociétaux et à provoquer des transformations lourdes à grande échelle. Ils portent des ambitions radicales : ils sont destinés à favoriser l’innovation de rupture et la résolution de problèmes concrets pour des futurs durables et désirables. Ce sont des environnements facilités qui permettent à des organisations de se débarrasser de vieux modèles mentaux ou de modes de fonctionnement obsolètes, de considérer des problématiques à partir de différents points de vue et d’agir rapidement et efficacement. Ils aident sociétés et institutions à mobiliser la diversité des connaissances, savoir-faire et expériences et à se préparer pour le futur de façon proactive. Un centre des futurs est avant tout orienté vers la coconstruction de solutions exigeant un changement de paradigme. On y cite souvent la formule consacrée d’Einstein : « Il n’est pas possible de résoudre un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». Ces centres associent l’animation de l’intelligence collective et des aménagements créés autour des besoins émotionnels, relationnels et cognitifs. Un centre des futurs n’est pas un centre d’affaires ou un centre de conférence amélioré. L’étude OpenFutures, menée par la Commission Européenne (2006/2008), définit clairement les centres des futurs comme des environnements « facilités » qui ont vocation à préparer l’avenir de façon innovante et concrète. Selon Leif Edvinsson, fondateur du centre des futurs de Skandia, l’ouverture et les perspectives apportées par ces environnements ajouteraient au moins cinquante points de quotient intellectuel à n’importe quelle organisation.

 

Sortir de la zone de confort

En leur sein, les « facilitateurs en intelligence collective » utilisent notamment les différents espaces pour créer des effets spécifiques : changement d’état d’esprit, confort ou basculement hors de la zone de confort, zone de challenge, zone de célébration ou de jeu, espace propice au rêve, espace de réflexion, espace de contemplation ou de décision. Ces facilitateurs associent méthodes, espaces et technologies pour favoriser activement les dynamiques de groupe. Ils excellent dans la compréhension des variations de comportements selon les situations. Ils stimulent la créativité, la génération d’idées, la résolution de problèmes et aident les personnes à se projeter dans des futurs possibles. L’espace physique, l’architecture d’intérieur et les aménagements jouent un rôle déterminant et c’est notamment en cela que les centres des futurs se différencient d’autres lieux d’innovation. L’espace d’un centre des futurs est à la fois physique, virtuel, mental, émotionnel, sensoriel, cognitif et symbolique. Cette combinaison inspire et stimule la créativité, la collaboration et l’atteinte de résultats.

S’il n’existe pas de centre des futurs à ce jour en France, quelques entreprises commencent cependant à explorer la prise en compte de toutes ces dimensions dans les processus d’innovation et de transformation organisationnelle. Métamorphose en douceur ou mutation fulgurante ? Espace-projet ou centre des futurs ? Que votre transformation soit ! Vous méritez un environnement de travail durable, désirable et disruptif !

LES AUTEURS

 

Françoise Bronner, chercheur en organisation, espace et cobotique, cocrée avec les futurs utilisateurs des environnements dédiés à l’innovation de rupture et la transformation organisationnelle progressive ou radicale..