Sur le front du travail, les études se suivent et se ressemblent. Avec à chaque fois un même constat : les salariés français, fatigués, désenchantés, seraient touchés par une grande vague de désengagement professionnel. Un phénomène de quiet quitting qui aurait déjà conduit plus de 520 000 d’entre eux à quitter leur entreprise au premier semestre 2022. Soit un taux de démissionnaires record depuis 2008 ! Début juin, les chiffres du Baromètre annuel Malakoff Humanis sont venus noircir encore un peu plus le tableau. Selon l’enquête du mutualiste, la moitié des salariés du privé se sont arrêtés au moins une fois en 2022. Un niveau d’absentéisme jamais atteint depuis le lancement de cette étude en 2016. Mais le plus inquiétant reste encore la nature des absences. Si l’on met de côté le Covid, les troubles psychologiques sont devenus la deuxième cause d’arrêts courts derrière les maladies ordinaires. Et ils arrivent en tête des arrêts longs avec un triplement en l’espace de trois ans ! Le constat est implacable : la santé mentale des travailleurs français est dans le rouge. Et contrairement aux clichés qui ont circulé durant la réforme des retraites, ce n’est pas la pseudo-valeur travail qui est en crise mais bien le travail lui-même.
Notre dossier vient le rappeler, l’écart n’a jamais semblé aussi grand entre les discours sur la qualité de vie (QVT) et la réalité dans les entreprises. Ni le bio à la cantine ni les séances de yoga gratuites ni même les recettes frelatées du développement personnel n’ont réussi à enrayer cette dégradation. Pire encore. Comme le soulignait récemment dans nos pages, Léonard Querelle, ergonome et président du Cinov ergonomie, la rhétorique lénifiante du bien-être en entreprise a occulté ces dernières années la question du travail. L’intensification des tâches, les réorganisations permanentes, la fragilisation des collectifs, le management par les chiffres ou encore la multiplication des exigences de reporting ont largement plus contribué à la perte de sens et d’utilité ressentie par les salariés que la couleur de la moquette ou l’absence de baby-foot en salle de pause. Il est temps de sortir de ce storytelling qui fait de la QVT un simple enjeu de la marque employeur. Et de remettre enfin le travail, les conditions de sa réalisation comme son contenu, au centre des réflexions dans les organisations.
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