Inscrit parmi les premières mesures du plan de sobriété gouvernemental, le télétravail est vu par certains comme la solution pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d’énergie en entreprise. Pourtant l’impact positif d’une telle organisation n’est pas si évident et doit être étudié de plus près.

Sixième mesure du plan mis en place par le gouvernement, le télétravail est envisagé comme un outil de sobriété à part entière, avec pour but premier de réduire l’utilisation de carburant. À première vue le calcul semble bon puisqu’environ 70 % des déplacements quotidiens effectués en voiture sont réalisés par les salariés se rendant sur leur lieu de travail. L’Ademe (agence de la transition écologique) estime même qu’il serait possible pour un salarié d’économiser 271 kg eq. CO2 par an et par jour de télétravail hebdomadaire. Un chiffre qui doit pourtant être nuancé. Le maintien de certaines étapes du trajet domicile-bureau (école, poste) mais aussi l’apparition de nouvelles mobilités (course, salle de sport) ou encore l’augmentation du flux vidéo lié au recours plus fréquent à la visioconférence et enfin, une plus forte consommation énergétique au domicile des travailleurs pourraient être à l’origine d’une baisse de 31 % de ces estimations. D’autant que, dans certaines régions, le recours aux transports en commun limite les économies de carburant. « Plus de 70 % de nos collaborateurs prennent les transports pour se rendre au siège, beaucoup viennent aussi à vélo », confirme Caroline Bénech, DRH de Colliers.

1h30 de visioconférence équivaut à 8 km en voiture

L’efficacité énergétique d’une organisation en télétravail est soumise à la fermeture des locaux. « Même si les entreprises mettent en place le télétravail, il est rare qu’un bâtiment soit complètement fermé. Il consomme alors sensiblement autant, en plus de l’augmentation de consommation au domicile des salariés. C’est double peine », ajoute Julien Jimenez, sous-directeur du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. De l’aveu même de la ministre de la Transition énergétique « mettre en place un jour de télétravail sans fermer le bâtiment et sans couper le chauffage n’a pas d’intérêt. » Des réserves confirmées par les chiffres de l’Ademe qui estime que le télétravail pourrait engendrer une économie de consommation énergétique moyenne de 19 % … à condition que le jour de télétravail soit le même pour tous les salariés. Le télétravail engendre également une augmentation de l’utilisation de bandes passantes. Le Greenspector a fait le calcul, une audio conférence utilise en moyenne 91 % de bande passante en moins qu’une vidéoconférence et 80 % de moins qu’une conférence en partage d’écran. En moyenne, 1h30 de visioconférence émettrait, autant de CO2 qu’un trajet de 8 km en voiture. À charge donc aux entreprises de former leurs salariés aux bons écogestes : préférer les échanges audios, nettoyer régulièrement sa boîte mail, compresser les pièces jointes et limiter les contacts en copie, privilégier les connexions Wifi ou filaires au lieu de la 4G, etc. « Nous avons un rôle d’ambassadeur pour encourager à ces éco-pratiques », confirme Sophie Vascher, directrice de l’environnement de ­travail chez Altarea.

L’effet rebond positif du flex office

Pour autant, le recours au télétravail n’est pas vain s’il est couplé à une organisation en flex office. L’Ademe identifie un effet rebond favorable sur la durée de 52 % si le travailleur est en flex office, un effet surtout porté par la réduction de la surface des locaux permettant d’optimiser les dépenses énergétiques comme le chauffage ou l’éclairage et de réduire l’entretien des locaux. Une étude menée par RTE a elle aussi identifié qu’une mesure de télétravail plus sobre implique une diminution de la surface par emploi. Sur le long terme, d’autres effets rebonds, positifs ou négatifs, sont aussi attendus : accroissement des équipements numériques, augmentation des week-ends en villégiature voire déménagement loin du lieu de travail, réduction des déplacements professionnels avec la prise en main d’outils à distance et réduction de la congestion routière aux heures de pointe dont les impacts restent à étudier.

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