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Invisible, inaudible, inodore, la pollution numérique n'en est pas moins insignifiante. Au-delà des data centers et des matières premières utilisées dans la fabrica­tion d'appareils connectés, les usages digitaux des uns et des autres ébranlent l'environne­ment. Premiers foyers de numérisation, les entreprises sont plus que jamais concernées.

Il y a deux ans, Inès Leonarduzzi s'est emparée du sujet etena fait son métier. Elle a fondé le Earth Project Digital For The Planet pour accompagner les industries dans une logique d' « écologie digitale ». Ce concept, à la fois environnemental et technologique, elle l'a initié et développé pour tenter de répondre à ce « fléau » environnemental.

 

La pollution numérique, c'est quoi?
Le numérique est un outil merveilleux qui apermis de grandes avancées à tout point de vue dans les sociétés du monde. Mais c'est aussi une solution qui peut être utilisée à mauvais escient si on n'y prend pas garde et qu'on ne fait pas les bons choix dès le début. Aujourd'hui, la pollution numérique existe de plusieurs manières, dont atmosphérique et environnementale. La fabrication des appareils électroniques, nos usages et nos problèmes de recyclage - le recyclage des déchets des équipements électroniques notamment, qui n'est pas optimal - en sont à l'origine. Cela va donc beaucoup plus loin que les data centers, dont on entend énormément parler et qui sont une réalité, mais qui ne concentrent pas la totalité du problème.

 

Qu'entendez-vous par écologie numérique?
L'écologie numérique est un concept que j'ai inventé et que j'ai imaginé d'abord comme un état d'esprit. C'est comprendre qu'aujourd'hui le numérique n'est pas engagé de la meilleure façon, n'est pas optimisé dans son application durable et inclusive. Et qu'uneautre voix est passible. Ensuite c'est une science environnementale et sociétale. C'est se demander comment, demain, nous pouvons repenser la société par rapport à un digital durable et ce que cela signifie pour lafinance, l'État, les universités, les citoyens. Enfin, c'est une science technologique : comment penser des outils à marges énergétiques positives ou bas carbone ainsi que des outils qui permettent de rendre le digital plus responsable.

 

 

Digital et numérique, quelle différence?
Il n'y en a pas ! J'ai tendance à penser que le digital se rapporte à laculture sociale du numérique, c'est-à-dire tous les usages pilotés par le doigt ou la voix via un écran. Le numérique, à mon sens, est davantage de l'ordre de l'infrastructure! et du dispo­sitif physique. Mais dans l'ab­solu, numérique signifie digital. Appliqués à l'écologie, les deux termes sont déposés et existent mais il est vrai que j'ai tendance à parler d'écologie numérique. Cela dit, en anglais, il n'y a pas de confusion possible : on parle de « digital ecology ».

 

Quel(s) enjeu(x) pour les entreprises ?
La pollution numérique est le prochain enjeu écologique majeur dans le monde à l'heure du tout digital. Les premiers foyers de numérisation sont les entreprises. Ce sont elles qui se sont digitalisées avant les citoyens et avant les gou­vernements. Ne serait-ce que par les unités informatiques présentes en leur sein, cela suf­fit à en faire les premiers pol­lueurs au monde. En dehors de cet enjeu d'échelle, il y a aussi un enjeu sociétal évident : une entreprise doit d'abord être un exemple, un reflet social et représenter les attentes de ses consommateurs et de ses clients.

 

 

 

 

Qu'est-ce que les entreprises ont à gagner avec l'écologie digitale?
Pour les entreprises, adopter des pratiques numériques durables représente une économie finan­cière sur les dépenses énergétiques. C'est une baisse sur la facture d'électricité qui peut aller de 20 % à 30 % : autant de valeur que l'en­treprise peut réinvestir ailleurs. Ensuite c'est une responsabilité environnementale et sociétale qui est obligatoire aujourd'hui. C'est aussi un capital sympathie et une reconnaissance de la part des citoyens, des clients et des salariés. Bien sûr, les industries doivent faire du profit. Mais pour faire du profit, il faut plaire à ses clients. Et aujourd'hui, les clients veulent des entreprises respon­sables qui ont une raison d'être au monde et qui le respecte, qui ne sont pas juste là pour faire de l'argent et laisser par ailleurs la planète en pâtir.

 

Qu'est-ce qui vous frappe le plus lorsque vous travaillez avec les entreprises ?
Ce qui me surprend positive­ment, c'est de réaliser l'impact que l'écologie digitale a sur les citoyens qui travaillent dans ces entreprises et qui s'emparent du sujet, qui en font une affaire per­sonnelle et le ramène à la maison, le transmettent à leurs enfants . Et ça, c'est extrêmement positif.